Les professionnels décidés à passer à la vitesse supérieure

Ouverture à des capitaux étrangers, assainissement des comptes, déploiement commercial… L’assurance tunisienne vit en ce moment son « big bang ».

Publié le 17 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

Avec une croissance moyenne supérieure à 10 % par an, le secteur tunisien des assurances connaît depuis 2000 une poussée continue, que la crise mondiale ne semble pas actuellement remettre en question. L’année 2009 confirmera en effet les engagements pris en 2008 avec un montant global des primes émises par les dix-sept compagnies d’assurances – hors la Société de réassurance Tunis Ré – proche de 1 100 millions de dinars (DT, 600 millions d’euros), soit une progression proche de 9 %, deux fois plus que la croissance économique escomptée pour le pays (4 % à 5 %).

Cette expansion, qui a encore un bel avenir devant elle, s’explique par le potentiel encore inexploité du marché. La densité d’assurance (prime par habitant) a été multipliée par deux depuis 2002, passant de 55 DT à 105 DT aujourd’hui, soit environ 75 dollars. C’est sept fois moins que la moyenne mondiale et quarante fois moins que le niveau des pays développés (à titre d’exemple, la prime par habitant au Japon est de 4 000 dollars). La Tunisie présente le même retard en utilisant le second indicateur de performance : le taux de pénétration de l’assurance (rapport des primes émises au produit intérieur brut, PIB). Il se situe aujourd’hui à 2 % du PIB, moins que le Maroc (3 %), mais quatre fois plus que l’Algérie (0,5 %). Le montant des primes pourrait encore être multiplié par trois pour atteindre la moyenne mondiale (6 %) ou par cinq pour rivaliser avec celle des pays riches (10 %, le Japon étant à 11 %). « Avec une plus grande couverture des risques, nous pourrions jouer un meilleur rôle dans l’économie », explique Mohamed Dkhili, président de la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances (Ftusa) et patron de Tunis Ré.

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Inspecteur général des finances et fin connaisseur du secteur, Mohamed Dkhili est détaché depuis avril 2004 à la tête de Tunis Ré, l’unique réassureur du pays. « Ce métier est par définition libre. Les assurances se réassurent où elles veulent », explique-t-il. Les actionnaires de Tunis Ré appartiennent en majorité au secteur public (53 % du capital). La société a réalisé un chiffre d’affaires de 57 millions de DT en 2008, en hausse de 9,6 %, dont les deux tiers en Tunisie, où elle représente 20 % du marché. Le reste est réparti entre les pays voisins du Maghreb (18 %), ceux d’Afrique subsaharienne (7 %) et d’Asie (7 %). Avec des bénéfices nets entre 5 et 6 millions de DT cette année (4,6 millions en 2007), Tunis Ré offre un taux de rentabilité de 13 % sur le capital. Ses placements confortables (120 millions de DT) et la qualité de ses comptes lui ont permis d’obtenir la note B+ et d’envisager un élargissement de son actionnariat à travers une introduction en Bourse par augmentation de capital (il est actuellement à 35 millions de DT). Elle lui permettra de se diversifier davantage à l’international.

Recherche de partenaires stratégiques

La meilleure couverture des risques qu’appelle de ses vœux le patron de Tunis Ré suppose une plus grande prise de conscience – de la part des particuliers comme des entreprises – de la nécessité de se prémunir contre les menaces qui pèsent sur la vie et les affaires. Cette évolution des mentalités ainsi que l’amélioration du niveau de vie constituent les deux conditions de croissance du marché tunisien de l’assurance. C’est pour instaurer cette nouvelle « culture » que les compagnies tunisiennes se battent aujourd’hui à coups de nouveaux produits (assurance vie, habitation, maladie, accidents), que le réseau bancaire et postal – très répandu à travers le pays – se fait fort de placer. Mais cette bataille ne va pas sans restructuration : renforcement des fonds propres (augmentation du capital, incorporation de réserves), recherche de partenariats… Ce sont les « petites » qui bougent le plus pour rogner les parts de marché des trois leaders (Star, Comar et Maghrebia), qui concentrent, bon an mal an, 45 % du marché.

Qui pour remplacer MMA auprès de la Carte ?

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C’est ainsi que la Star, entreprise publique et leader du secteur, a décidé après les pertes subies en 2003 et 2004 de s’assainir et de trouver un partenaire stratégique. Cette recherche, qui a commencé en 2006, a abouti en juillet 2008 avec le choix de l’assureur français Groupama. Ce dernier a acquis 35 % du capital pour un prix de 132 millions de DT, aussitôt incorporés à la trésorerie de l’entreprise, qui en avait bien besoin. Son cours en Bourse est aujourd’hui dix fois plus élevé qu’en 2004. Hassine Doghri, président de la Compagnie d’assurances et de réassurances tuniso-européenne (Carte), est lui aussi à la recherche d’un partenaire étranger. Avec près de 8 % de parts de marché, sa compagnie s’est beaucoup développée depuis qu’il l’a reprise en main, en janvier 1987. « Nous misons sur la qualité des risques et la solidité de nos fonds propres », souligne-t-il en exhibant la note BBB (good) accordée par Standard & Poor’s de Londres. Le futur partenaire viendra remplacer le groupe français MMA, qui s’est désengagé en 2007 afin de se recentrer sur son propre marché. Leader de la branche industrielle en Tunisie, Carte compte s’implanter en Algérie – avec un partenaire local – pour accompagner notamment les 700 entreprises tunisiennes qui opèrent dans ce pays. Avec le doublement prévu de son capital (de 10 millions à 20 millions de DT), la société n’aura certainement pas de mal à réussir son introduction en Bourse d’ici à 2012.

Mais l’essor du secteur dans son ensemble dépend aussi, selon les professionnels, de quelques actions énergiques des pouvoirs publics : poursuivre les incitations fiscales pour développer l’assurance vie, qui a fait un grand bond entre 2007 et 2008 (+ 20 % en chiffre d’affaires), mais à laquelle l’écrasante majorité des citoyens ne fait pas encore appel. « Cette branche peut être multipliée par six ou sept », estime Mohamed Dkhili. À cela s’ajoute la généralisation des assurances multirisques habitation (qui sont encore facultatives), des assurances incendie (obligatoires pour les entreprises, mais pas très bien appliquées) et des assurances agricoles. Ce n’est qu’à ce moment-là que le secteur se mettra au diapason des pays développés. 

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