Bertin Mampaka Mankamba

Député au Parlement régional et échevin de Bruxelles, cet homme politique d’origine congolaise a été l’un des tout premiers élus noirs de Belgique.

Publié le 17 mars 2009 Lecture : 5 minutes.

« Je suis le Black le plus célèbre de Bruxelles ! » rigole-t-il. Physique de poids lourd, voix tonitruante et goût pour la provocation, Bertin Mampaka Mankamba est un animal politique. Né en République démocratique du Congo (RDC) il y a cinquante et un ans, il est le premier Noir nommé échevin (adjoint au maire, ou plutôt au « bourgmestre » comme on dit ici) de la capitale belge.

Depuis 2004, il est plus spécialement chargé des sports, de l’environnement, des espaces verts, de la solidarité internationale et de l’équipement communal. Un poste très exposé. On le voit souvent, par exemple, aux côtés ­d’Albert II lors des matchs de sélection nationale de football. « En tant que gestionnaire du stade du roi Baudouin, je suis en première ligne, explique-t-il. Si les Diables rouges perdent un match parce que la pelouse n’est pas bonne, c’est à moi qu’on le reproche. »

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SUPERVISANT L’ORGANISATION DE MANIFESTATIONS sportives et culturelles prestigieuses, Bertin Mampaka est amené à côtoyer une foule de célébrités. Qu’il s’agisse des chanteurs Johnny Hallyday, Mylène Farmer ou Werrason. De l’ancienne championne de tennis Martina Hingis ou de l’acteur et champion d’arts martiaux Jean-Claude Van Damme. Il y prend manifestement du plaisir, même s’il prend soin de préciser que c’est d’abord pour le bien-être de ses concitoyens qu’il s’investit autant dans sa mission. « J’ai été élu pour apporter des réponses concrètes aux problèmes des Bruxellois », dit-il, en se lançant dans la défense de son bilan.

L’élu dirige huit cents fonctionnaires et gère un budget avoisinant 70 millions d’euros (hors salaires). Ce pactole est prioritairement destiné à aider les trois cents clubs amateurs de la commune de Bruxelles. Mais il permet aussi à nombre d’enfants de familles défavorisées de pratiquer une activité sportive, de développer les infrastructures destinées aux jeunes, d’aménager des parcs et des jardins et de mener une très active politique de coopération avec les pays en développement. Avec la RDC notamment – Bruxelles est jumelé avec Kinshasa.

Pas un mois sans que Mampaka ne reçoive un ministre, un député ou un homme d’affaires congolais. « J’ai un agenda à faire pâlir de jalousie Charles Michel ! [le ministre de la Coopération] » plaisante-t-il. Très affecté par la succession de drames qui frappent son pays d’origine, il y multiplie les actions humanitaires et, dans cet objectif, met volontiers son carnet d’adresses à la disposition des responsables politiques belges. Un militantisme qui lui vaut quelques critiques.

« En tant qu’originaire du Kasaï, se défend-il, on m’a successivement accusé de rouler pour l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’Étienne Tshisekedi, lors de la présidentielle de 2006 ; puis de faire la campagne du Mouvement de libération du Congo (MLC), de Jean-Pierre Bemba ; enfin, d’attiser les conflits entre les différentes commu­nautés congolaises sur le sol belge. Or je n’ai jamais vu le premier et n’ai rencontré le second qu’une seule fois, alors que je me suis entretenu à quatre reprises avec le président Joseph Kabila. » Bref, s’il aide son pays d’origine, c’est sans « aucune ambition politique ».

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Né à Kinshasa le 6 avril 1957, Bertin Mampaka baigne dans le militantisme depuis sa plus tendre enfance. Son père, un chef traditionnel du Kasaï, était aussi parlementaire. À l’école, ce sont plutôt les matières scientifiques qui attirent le jeune garçon. Doué en maths et en physique, il fait ses études secondaires au collège Saint-Louis de Kananga. Jusqu’à son départ pour la Belgique, en 1979, comme beaucoup d’étudiants zaïrois de son âge.

En Europe, il est vite confronté aux dures réalités de la vie : « Contraint à l’inactivité à cause de ses ennuis de santé, mon père a rapidement cessé de m’envoyer de l’argent. Pour financer mes études, j’ai dû multiplier les petits boulots », se souvient-il. Le jour, il étudie les sciences économiques à l’université de Mons. Le soir, il travaille comme plongeur dans un restaurant. Cela ne l’empêche pas de décrocher une licence, en 1984. Ni, la même année, de rencontrer Fabienne, sa future épouse, qui exerce la profession de secrétaire. Le couple aura deux enfants, Maxence et Meredith.

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Un an plus tard, le jeune homme est de retour au Zaïre, où la firme British American Tobacco (BAT) lui confie le poste de directeur marketing de sa filiale. Bertin y voit l’occasion d’accéder sans attendre à un niveau de responsabilité qu’il aurait mis des années à atteindre s’il était resté en Belgique.

Hélas, en 1990, le vent tourne. S’estimant victime de discrimination salariale, Mampaka décide de rentrer en Belgique et devient professeur d’économie à la Haute École de la communauté française en Hainaut.

SA DÉCISION DE SE LANCER EN POLITIQue date de ce moment-là. Il est d’abord nommé vice-président de la représentation au Benelux du Parti démocrate et social-chrétien (PDSC) zaïrois. Puis se résout à participer à la vie politique de son pays d’adoption.

En 1994, après avoir demandé et obtenu la nationalité belge, il adhère au Parti social-chrétien (PSC), sous la bannière duquel il participe à ses premiers combats électoraux.

En 1999, son parti lui propose d’être l’un de ses candidats à la Chambre des représentants – une première en Belgique, où jamais un Noir n’avait brigué un tel mandat. La tentative se solde par un échec, vite oublié.

En 2000, il devient conseiller communal et de police de Bruxelles. Une première dans l’histoire millénaire de la ville. Quatre ans plus tard, il est nommé échevin, puis élu député régional.

Bertin Mampaka est aujourd’hui une figure reconnue dans son parti, rebaptisé Centre démocrate humaniste (CDH), et siège même au bureau politique national. Mais il est sans illusions sur la place des minorités en Europe : « Au début, on ne vous invite que pour servir d’attrape-voix communautaire. Il faut beaucoup de persévérance pour imposer ses idées, monter dans l’appareil et peser sur les décisions. »

Il ne cache pas ses ambitions : le poste de ministre de la Coopération l’intéresse au plus haut point et il estime avoir « la plupart des compétences pour l’assumer ». Mais il n’ignore pas qu’il souffre d’un gros handicap : « J’appartiens, explique-t-il, à une génération d’Africains qui a fait ses études en français et ne maîtrise pas très bien le flamand. » Ses enfants ont davantage de chance : son fils prend des cours particuliers, et sa fille fréquente l’école néerlandaise.

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