Jean-Léonard Touadi

Jeune Afrique : L’Italie devient-elle raciste ?

Jean_Léonard Touadi : La majorité des Italiens, heureusement, n’est pas raciste. Mais les partis de droite sont en train de changer d’identité et d’attirer les Italiens sur une pente xénophobe avec le vote de plusieurs lois discriminatoires pour les étrangers. Nous sommes désormais regardés avec méfiance, comme si nous étions une menace pour la société, alors que nous constituons un atout.

Comment expliquer de telles dérives ?

À partir de 1990, l’arrivée massive d’immigrés albanais a provoqué dans l’opinion une psychose de l’invasion. C’est le terreau sur lequel la Ligue du Nord a prospéré. Après le 11 septembre 2001, le thème du choc des civilisations est apparu au premier plan. Des ecclésiastiques, des politiques ont commencé à théoriser sur la préférence qu’il convenait d’accorder aux immigrés chrétiens d’Europe de l’Est par rapport aux musulmans originaires de pays arabes et subsahariens.

Roumains et Albanais sont-ils pour autant épargnés ?

Non, parce que nous sommes entrés dans une phase sécuritaire. Désormais, les immigrés dans leur ensemble sont assimilés à la violence et au chômage. C’est la politique du bouc émissaire. Les vieux démons des années 1930 sont en train de se réveiller. On se souvient que les lois raciales de 1938 ouvrirent la voie à la déportation des juifs et à la ghettoïsation… Ce qui se passe dans les centres de rétention de l’île de Lampedusa est absolument dramatique. Les ONG rapportent des scènes de viols, de violence inouïe, perpétrées dans la plus totale impunité.