Quand Londres parle au Hezbollah

International Herald Tribune Quotidien, Paris

Publié le 16 mars 2009 Lecture : 3 minutes.

L’invitation lancée par la secrétaire d’État américaine à l’Iran pour qu’il participe à une conférence sur l’Afghanistan a occulté une évolution encore plus importante venue du Royaume-Uni. Londres vient en effet de décider de reconsidérer sa position à l’égard du Hezbollah et de nouer des contacts directs avec lui. À l’instar du Hamas, le Hezbollah est de longue date traité par les États-Unis comme un groupe terroriste et, en tant que tel, frappé d’ostracisme. Cette vision réductrice a ignoré le fait que ces deux organisations sont des mouvements socialement et politiquement enracinés sans l’implication desquels il n’y aura pas de paix dans la région.

Longtemps aligné sur la position américaine, le Royaume-Uni s’est aujourd’hui aperçu de son erreur. Bill Marston, un porte-parole du Foreign Office, a déclaré sur Al-Jazira : « Le Hezbollah est un phénomène politique et fait partie intégrante du tissu national libanais. Il nous faut l’admettre. » Alléluia ! On peut d’ailleurs en dire autant du Hamas en Palestine.

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Les États-Unis devraient imiter les Britanniques et nouer des contacts directs avec l’aile politique du Hezbollah. L’administration Obama devrait aussi trouver un moyen pour prendre langue avec les éléments modérés du Hamas afin de faciliter une réconciliation Hamas-Fatah. À ce jour, l’Occident pose trois conditions au Hamas pour ouvrir un dialogue avec lui : qu’il reconnaisse Israël, condamne le terrorisme et accepte les engagements palestiniens passés. La charte du Hamas a beau être abominable, je pense que c’est une erreur que de poser comme un préalable absolu à l’ouverture d’un dialogue la reconnaissance d’Israël. Il se pourrait que le Hamas veuille vraiment la destruction de l’État hébreu – encore qu’il lui ait proposé une trêve de plusieurs décennies –, mais il est tout aussi possible qu’Israël n’ait en réalité aucune envie de voir naître un État palestinien. L’argument de la reconnaissance préalable est une sorte de fuite en avant qui perpétue le conflit.

Depuis Ben Gourion, Israël s’est construit par le fait accompli. Nombre de ses dirigeants, dont Ehoud Olmert et Tzipi Livni, ont navigué entre le rejet absolu de tout partage de la terre et l’adhésion à la solution de deux États. Pourtant, ils continuent à présenter le Hamas comme un mouvement irrévocablement jusqu’au-boutiste. Les Arabes seraient-ils moins pragmatiques que les juifs ? Bien sûr qu’il est souhaitable que le Hamas reconnaisse Israël. Mais est-ce vraiment une nécessité ? Non. Ce qui est nécessaire, c’est qu’il renonce – avec Israël – à la violence et cesse d’inoculer la haine qui la nourrit.

Et puisqu’on parle de violence, il est bon de rappeler ce que l’État hébreu a infligé à Gaza en riposte à des tirs de roquettes sporadiques. Il a tué quelque 1 300 personnes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, causé des dommages estimés à 1,9 milliard de dollars, détruit des milliers d’habitations et 80 % des cultures. Et continue d’imposer un blocus à 1,5 million de personnes confinées dans une étroite bande de terre. Israël a le droit de riposter à toute attaque, mais cette riposte doit être proportionnée et guidée par des objectifs politiques rationnels, pas par la violence aveugle.

Rien d’étonnant dans ces conditions que le Hamas et le Hezbollah soient perçus dans le monde arabe comme des mouvements de résistance légitimes. Il n’est donc que plus urgent de s’inspirer de la démarche de Londres, qui considère que le dialogue avec le Hezbollah est le meilleur moyen d’encourager le mouvement chiite « à renoncer à la violence pour jouer un rôle constructif, démocratique et pacifique ».

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