Bientôt le divorce ?

Les relations entre Libreville et Paris se détériorent. À tel point que les proches d’Omar Bongo Ondimba demandent la révision des accords de défense entre les deux pays.

Publié le 16 mars 2009 Lecture : 3 minutes.

« Nous allons prendre nos partenaires français au mot. Ce sont eux qui ont parlé de rupture en premier. Il faut donc revoir les accords qui nous lient de fond en comble », martèle un ministre gabonais. À la suite du gouvernement, qui a officiellement réagi par la voix de son porte-parole, René Ndemezo Obiang, le Parti démocratique gabonais (PDG), majoritaire dans les deux Chambres du Parlement, a clairement fait savoir le 7 mars qu’il envisageait de demander la révision des accords bilatéraux de défense. Le Gabon tape donc du poing sur la table pour signifier à l’ancienne puissance coloniale qu’il est temps d’arrêter ce que Paul Toungui, ministre des Affaires étrangères, considère comme étant une « vaste campagne de déstabilisation orchestrée contre le Gabon et ses plus hautes institutions », à travers un « acharnement judiciaire » contre le président de la République.

Côté français, le Quai d’Orsay joue l’apaisement. Le 9 mars, au lendemain de la déclaration du PDG, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a déclaré que les relations avec le Gabon sont anciennes et couvrent un très large domaine de coopération. « Notre dialogue et notre coopération sont favorables à nos deux pays. Nous souhaitons les poursuivre sereinement ». Pas sûr que cela suffise à calmer Libreville, qui attend un signal fort des plus hautes autorités françaises.

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« Mais que fait donc l’Élysée ? » s’interroge un journaliste librevillois. Depuis la mi-février, les médias de l’Hexagone pilonnent Omar Bongo Ondimba et la famille présidentielle. Les prétextes sont légion. Les premiers coups ont fusé pour dénoncer les « biens mal acquis » – une plainte a été déposée par des associations, qui pressent le parquet de Paris de la déclarer recevable. La puissance de feu a redoublé avec la sortie du livre de l’écrivain-journaliste Pierre Péan, qui a levé le lièvre des factures gabonaises de Bernard Kouchner, symbole, selon certains, de connexions « françafricaines qui ont fait leur temps ». Plus récente, la saisie des comptes du président gabonais dans le cadre de l’affaire Cardona, un contentieux privé à caractère commercial, n’a fait qu’accroître l’intérêt des journalistes pour le « doyen » des chefs d’État.

À l’Élysée, on soupire d’impuissance. Un conseiller justifie du bout des lèvres que « les temps ont changé » et estime que ni les journalistes ni les juges ne mégotent sur leur indépendance.

Seulement, en émettant des signaux contradictoires, la nouvelle politique africaine en vigueur au Château a faussé la boussole du partenaire historique gabonais, soumis à une véritable douche écossaise. C’est peu dire qu’elle manque de lisibilité. En pleine campagne présidentielle, le candidat Sarkozy promet la rupture avec la Françafrique et ses réseaux. Mais, à peine élu, le 6 mai 2007 au soir, en dépit de l’euphorie de sa victoire, il n’oublie pas de téléphoner au président gabonais pour le « remercier de ses conseils ». Le 27 septembre suivant, sous les ors de l’Élysée, le vieux routier de la diplomatie secrète, Robert Bourgi, proche d’OBO, reçoit la Légion d’honneur des mains du président français. Le 15 janvier 2008, Jean-Marie Bockel, alors secrétaire d’État à la Coopération, croit utile d’appeler le président à « concrétiser » ses promesses d’en finir avec les relations coupables qu’entretient toujours Paris avec son ex-pré carré africain. Il ne tardera pas à être muté au secrétariat d’État aux Anciens Combattants, à la suite d’une demande, dit-on, de quelques chefs d’État, dont Omar Bongo Ondimba.

À la tribune du Parlement sud-africain, le 28 février 2008, Nicolas Sarkozy promet de remettre les mystérieux accords de défense sur la table : « La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a plus de cinquante ans ! […] Ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. » Le 30 janvier dernier, devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre François Fillon annonce logiquement l’allègement des opérations extérieures de 1 100 hommes, sans pour autant révéler le contenu secret des accords de défense, malgré la demande insistante des députés socialistes. La base de Libreville pourrait-elle être démantelée ? Des proches d’OBO le souhaitent.

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Côté français, certains membres de l’entourage de Nicolas Sarkozy lui ont déconseillé un divorce trop brutal avec ce pays ami, dont le président, au pouvoir depuis quarante et un ans, détient tant de secrets…

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