L’enquête impossible

Publié le 16 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Le commando qui a exécuté João Bernardo Vieira, alias « Nino », le 2 mars à l’aube, circulait à bord de deux véhicules, l’un portant l’immatriculation de l’état-major, l’autre celle de la Marine. Pendant qu’une douzaine d’hommes encerclaient la résidence présidentielle, six autres, à visage découvert, ont criblé Nino de balles après avoir ouvert son ventre au coupe-coupe. Puis ils ont traîné son épouse, Isabelle, jusqu’au domicile de son frère, situé à moins de cent mètres, pour exiger – et obtenir – une « rançon » de 50 000 F CFA en échange de la vie sauve.

Traumatisée, Isabelle Vieira s’est ensuite réfugiée à l’ambassade d’Angola où l’ont rejointe, le 9 mars, les enfants de son mari, arrivés de Dakar. Le lendemain, jour des obsèques, la famille a assisté à la cérémonie organisée à l’Assemblée nationale. Les enfants ont alors pu entrevoir le visage de leur père, à travers le hublot du cercueil. Le corps mutilé du défunt avait été rendu présentable par un médecin légiste envoyé de Dakar par le chef de l’État sénégalais, Abdoulaye Wade.

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La famille Vieira a ensuite refusé d’assister à l’inhumation, pour exprimer sa désapprobation. Elle souhaitait que Nino, héros de la guerre d’indépendance, soit enterré dans le mausolée d’Amilcar Cabral. À défaut, dans la propriété de sa femme – où il a été tué –, ou à Dakar. Consulté à ce sujet, Wade a fait une autre proposition : « Si Nino doit être enterré dans un autre pays, ce ne peut-être qu’au Cap-Vert. Cabral, cap-verdien, a été inhumé à Bissau. Ce serait un juste retour des choses si Nino était mis en terre à Praia. » Mais le Premier ministre, Carlos Gomes Jr, alias Kadogo, et Samora Nduta, le nouvel homme fort de l’armée, ont décidé que Nino serait enterré comme un citoyen ordinaire, au cimetière municipal de Bissau.

Même après sa mort, Nino continue à susciter une haine tenace. Ni Carlos Gomes Jr, ni aucun membre de son gouvernement n’ont présenté leurs condoléances à la famille. Celle-ci ne compte pas sur l’État bissau-guinéen pour élucider l’assassinat : Tcham Namang, un membre présumé du commando, fait partie de la commission d’enquête qui a commencé ses travaux le 11 mars ; et Nduta dirige le comité militaire chargé de mener l’enquête.

Craignant pour leur sécurité, la veuve et les enfants Vieira se sont envolés pour Dakar dans l’après-midi du 10 mars, à bord d’un avion affrété par le président Wade. À leur arrivée, ils ont été reçus et logés par le chef de l’État sénégalais à la « résidence des hôtes de marque ». Après quelques jours de repos, Isabelle devrait rejoindre Bruxelles, où son défunt mari possédait une propriété, et les enfants repartir vers l’Europe ou les États-Unis, où certains étudient et d’autres travaillent. (Voir aussi pp. 38-39)

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