Une charia peu charitable

Publié le 10 mars 2009 Lecture : 3 minutes.

Feu vert pour les talibans de la vallée du Swat, dans le nord-ouest du Pakistan. Ils vont pouvoir, à la suite de négociations entre leurs leaders islamistes et le gouvernement de Pervez Musharraf, appliquer la charia en maîtres absolus dans leur district. Bien négocié, les gars du Makaland ! – tiens, ça sonne comme Disneyland… Sauf qu’ici, c’est l’aire de jeux des mollahs. Ils peuvent manier la loi divine à loisir, intensifier la polygamie, enfermer les femmes et empêcher les petites filles d’aller à l’école. En contrepartie, ils jurent de laisser le reste du Pakistan en paix et de permettre aux autorités de reprendre le contrôle des zones tribales.

Le pouvoir pakistanais n’est pas assez bête pour savoir l’énormité de la bêtise qu’il vient de commettre. Offrir aux talibans de faire la loi chez eux, c’est leur permettre de prendre le pouvoir en partie. Et demain, de le réclamer entièrement. C’est ouvrir la boîte de Pandore à des revendications identiques qui viendront d’autres régions et districts du pays. Pourquoi les autorités pakistanaises ont-elles agi ainsi ? Franchement, je ne vais pas me casser la tête à en chercher le motif. Moi, ce qui m’intéresse, c’est moins la politique pakistanaise que l’hypocrisie occidentale. Car l’information nous arrive sobrement. Peu de médias s’en émeuvent. C’est à peine si l’on émet quelques remarques polies, avec une tendance à minimiser la chose. J’ai beau chercher dans les magazines féminins pour voir si les grandes militantes s’indignent du sort réservé aux femmes du Makaland, je ne trouve rien de conséquent. Pourtant, pendant ce temps, les histoires de pauvres musulmanes divorcées à 13 ans, de femmes voilées et malheureuses de l’être, de la Prix Nobel Shirin Ebadi, qui rame contre toutes les misères de l’“Islamland”, s’étalent en mots et en images dans toute la presse. Mais réagissez, Mesdames, avant qu’il nous faille trouver une autre Prix Nobel pour les filles de Swat ! Ou alors, dites-moi ce que vous voulez précisément. Je ne vous soupçonne pas de mener le jeu des hommes. Qu’ils soient « French » ou « English », les « Occidental Doctors » en cravates défendent d’abord leurs intérêts avant celui des Fatma. Le Guardian, par exemple, croit s’en sortir en justifiant ainsi la décision pakistanaise : « Ce sera une forme modérée de la charia. » Mais qu’est-ce, au juste, une « forme modérée » de la charia ? Il faut être sourd pour ne pas entendre ce qu’on affirme sans détour du côté taliban : « Toutes les lois contraires à la charia seront abolies et la justice sera appliquée en vertu de la charia »…

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Pauvre de vous, mes sœurs en burka ! Dans votre pays comme ici, nul ne se soucie de vos états d’âme. Vos frères de religion ont décidé de votre sort. Mais eux, au moins, ont été clairs. Ils ont dit : les filles, ça n’a pas voix au chapitre ; il ne manquerait plus qu’on leur demande leur avis ; qu’elles obéissent et se taisent ! Et les nobles Occidentaux, qui expriment leur sympathie à distance, qui ont l’habitude d’accuser l’islam de tous les travers dès que cela les arrange, viennent de les troquer contre une promesse antiterroriste. Ils se taisent, illustrant le proverbe arabe bien connu : « Épargne ma tête et frappe ! » Mais si la voix des armes ne peut se taire qu’aux prix de votre silence définitif, Mesdames, eh bien, parlez donc ! Même contre la paix des hommes, si cette dernière est synonyme de guerre contre les femmes.

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