Le plan riz soufflé par la spéculation

Avec une récolte en forte hausse, le gouvernement est près d’atteindre son objectif : faire du pays le grenier à céréales de l’Afrique de l’Ouest. Mais les distributeurs jouent la hausse des prix.

Publié le 10 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Lancée en juin 2008, l’« Initiative riz » du Premier ministre malien Modibo Sidibé n’en finit pas de susciter la polémique. Certes, l’objectif affiché était vertueux : élever de 50 % la récolte grâce à 12 milliards de F CFA (18,3 millions d’euros) de subventions sur les semences et les engrais, pour atteindre 1,6 million de tonnes de riz et faire du Mali le « grenier à céréales » de la sous-région. Le volume de riz marchand ainsi dégagé – plus de 1 million de tonnes (d’une valeur supérieure à 300 milliards de F CFA) – devait couvrir les besoins du pays, tout en faisant baisser les prix, et créer une capacité d’exportation de plus de 100 000 tonnes. Mais, à la fin de février, le gouvernement a dû se résigner à autoriser l’importation de près de 50 000 tonnes de riz pour tenter de neutraliser une forte hausse des prix.

Pourtant, l’objectif de production a été atteint, ou presque. « La récolte doit dépasser 1,6 million de tonnes de riz et 5 millions de tonnes pour l’ensemble des céréales », affirme Tiémoko Sangaré, le ministre de l’Agriculture. Le Comité interministériel de lutte contre la sécheresse au Sahel (Cilss) évalue quant à lui la récolte à 1,3 million de tonnes de riz et 4 millions de tonnes de céréales. « Tous produits confondus, la production est nettement supérieure à celles des cinq dernières années », ajoute Mary Diallo, coordonnateur du Système d’alerte précoce (SAP), rattaché au Commissariat à la sécurité alimentaire du Mali. Dès lors, comment expliquer que les prix atteignent déjà des niveaux habituellement constatés à l’intersaison, en avril-juin, soit 400 F CFA le kilo de riz ?

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« Les commerçants ont constitué des stocks, en s’appuyant sur certains partis qu’ils financent et qui sont représentés au gouvernement », accuse Cheibane Coulibaly, professeur à l’université Mande-Bukari de Bamako et spécialiste de la zone de l’Office du Niger. Les Grands Greniers du bonheur (GGB), de Bakoreh Sylla, ou le Grand Distributeur de céréales du Mali (GDCM), de Modibo Keïta, entre autres, sont les opérateurs les plus fréquemment montrés du doigt. « Ce que nous craignons par-dessus tout, précise le ministre Sangaré, c’est que les stocks spéculatifs soient destinés aux pays voisins, où malgré de bonnes récoltes, le riz se vend déjà entre 400 et 500 F CFA le kilo, soit plus cher qu’au Mali. »

Autre facteur expliquant l’envolée des prix : les producteurs, plus syndiqués que jamais, défendent leurs bénéfices de manière solidaire. « Grâce aux portables, ils connaissent en temps réel les prix de vente pratiqués en ville », indique Mary Diallo. Et s’ils ont adapté leur offre au marché pour maintenir des prix élevés, l’État, lui, a manqué de réactivité pour les faire baisser. « L’Office des produits agricoles du Mali (Opam), chargé de constituer des stocks et de réguler les prix, a fait preuve d’une lenteur inexplicable », affirme Cheickna Hamallah Diarra, conseiller à la communication de la primature. Une défaillance que les grands commerçants ont su mettre à profit, sans être inquiétés. Pour le moment.

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