« Lever les tabous »

Président du Conseil d’orientation de CAPafrique

Publié le 10 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

L’urgence de soutenir les économies africaines s’impose. Il faut, pour cela, changer assez rapidement, assez brutalement, de paradigme économique. Pour une fois, les institutions de Bretton Woods y semblent prêtes, et le cadre du G20 permettrait, en avril, d’y rallier les grandes puissances et les grands pays émergents. Les instruments de la relance pour l’Afrique sont connus, disponibles mais encore tabous. La demande publique doit venir suppléer le défaut de demande privée ; il faut donc financer les administrations et les entreprises publiques africaines. On ne peut pas le faire en comptant sur les recettes fiscales puisqu’il faudra diminuer la pression fiscale, notamment sur les ménages. On doit donc le faire par deux moyens : endetter l’État et lui donner des facilités monétaires.

Endetter les États est redevenu possible grâce au désendettement spectaculaire des années 2000. On ne parle d’ailleurs que de mobiliser pour la relance, selon les pays africains, de 1 % à 5 % du PIB. Financer un complément par la création monétaire est encore plus tabou, mais c’est la solution adoptée dans toutes les grandes économies, car elle a le mérite, à court terme, d’atténuer les effets de la déflation instillée par l’effondrement des prix des matières premières et le recul des prix d’actifs (financiers ou immobiliers). Cela veut dire, en pratique, coordonner les Banques centrales africaines pour qu’elles combinent des baisses de taux directeurs et des garanties données aux transactions interbancaires, avec des moyens dits non conventionnels, qui sont – comme les médicaments puissants – plus efficaces mais plus dangereux : financements directs par les Banques centrales d’émissions obligataires privées et publiques. On dira que le recours à « la planche à billets » est pire que le mal. Mais nous n’avons pas le choix : on doit remplacer les trois points de PIB de demande privée qui vont manquer en 2009.

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Il faut le faire en respectant un cahier des charges simple : les plans de relance doivent être rapides et très puissants, mais courts et temporaires. Ils doivent avoir des indicateurs de performances objectifs et mesurables, un volet en devises pour couvrir les déficits de balance des paiements. Ils doivent être affectés précisément. Ils doivent requérir des efforts urgents en capital, dès 2009, pour l’agriculture, le logement social, les infrastructures et la fourniture d’énergie. Pour ce qui concerne les baisses d’impôts, le démantèlement des obstacles tarifaires aux échanges intra-africains aurait un effet structurant. Si l’Afrique faisait avec elle-même plus de 10 % du commerce qu’elle réalise aujourd’hui, elle se protégerait mieux collectivement des fluctuations des marchés mondiaux.

Il y a des signes que les institutions de Bretton Woods ont évolué. Le FMI estime qu’il y aurait des mérites à une relance par la demande publique d’une dimension de 2 % du PIB mondial. La Banque mondiale appelle à la création d’un « fonds vulnérabilité » destiné principalement à l’Afrique et mobilisant 0,7 % des fonds consacrés aux plans de relance des pays avancés. Le G20 est le cadre idéal où faire prévaloir ces nouveaux paradigmes. Mais il faut un accompagnement fiscal et monétaire domestique et une mobilisation sans précédent des États pour des retombées immédiates. C’est l’Afrique elle-même qui, pour la première fois, s’est donné les leviers de son développement.

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