L’Iran, les juifs et les nazis

International Herald Tribune Quotidien, Paris

Publié le 10 mars 2009 Lecture : 3 minutes.

Ainsi, le Jerusalem Post estime que je ne suis pas « le premier Américain à se faire berner par la présence de synagogues dans un régime totalitaire ». Jeffrey Goldberg, de l’Atlantic Monthly, me juge « particulièrement crédule ». Il pense que je me suis laissé abuser par l’hospitalité et l’affabilité iraniennes, qui sont « la marque de la plupart des sociétés musulmanes » (merci pour l’info Jeffrey). Un site Web conservateur, American Thinker, qui veut prouver que son nom est un oxymore, pense que j’aurais même pris pour argent comptant la propagande nazie à propos du camp de Theresienstadt.

Cette indignation est née d’un article sur les juifs iraniens (voir J.A. n° 2512). J’y écrivais que les 25 000 juifs d’Iran prospèrent dans une relative tranquillité ; que les juifs perses se portent mieux que les juifs arabes ; que l’hostilité à l’égard des juifs en Iran a parfois conduit à fabriquer des charges contre eux ; que, pour les tenants d’une vision caricaturale des « mollahs fous », tout compromis avec l’Iran serait un remake de Munich. Ce dernier point m’a été confirmé par le flot de lettres que j’ai reçues de la part de juifs américains outrés, incapables de résister à la tentation de comparer l’Iran et l’Allemagne nazie. Soyons clairs : la République islamique n’est pas un mini-IIIe Reich, ni même un État totalitaire. Munich a permis à Hitler d’annexer les Sudètes. L’Iran n’a pas mené une seule guerre de conquête depuis plus de deux siècles. Dans les régimes totalitaires, l’individu est entièrement soumis à l’État. Un seul parti est toléré, et toutes les institutions lui sont subordonnées. La société iranienne n’est certes pas libre et subit le joug d’un puissant appareil répressif. Mais l’Iran est loin de remplir les critères ci-dessus. Les marges de liberté – et même de démocratie – y sont significatives. Loin d’être « fous », les mollahs ont prouvé qu’ils savaient être flexibles.

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Un exilé iranien, qui ne porte pas la République islamique dans son cœur, m’a écrit pour me dire que mon article sur la condition des juifs iraniens l’avait « ému aux larmes parce que j’avais écrit ce que nous sommes nombreux à vouloir entendre ». « L’Iran, a-t-il ajouté, est un pays qui est en train de revenir de sa ferveur extrémiste. Il est relativement stable et sa société civile est dynamique. Comme le dit mon père, qui vit encore là-bas, “c’est le pays le moins non démocratique de la région, hormis Israël”. » Cette notion de « post-ferveur » est très importante, de même que les compromis entre islam et démocratie auxquels est douloureusement parvenu Téhéran. Ils infirment la thèse d’un pouvoir fanatique et expliquent la condition des juifs. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de fanatisme, ou qu’il n’y ait pas eu de terribles crimes, comme l’attentat téléguidé par Téhéran contre le centre de la communauté juive à Buenos Aires, il y a quinze ans. Mais assimiler l’Iran au terrorisme est réducteur. Le Hezbollah et le Hamas ont évolué pour devenir de grands mouvements politiques largement perçus comme des forces de résistance face à un Israël enclin à abuser de sa puissance de feu. Il est urgent de réviser la perception que nous en avons et de rejeter toute vision caricaturale de l’Iran.

Il est bon de rappeler que les discours haineux et ultranationalistes ne sont pas l’apanage de Téhéran. Avigdor Lieberman, le tison raciste d’Israël, pourrait avoir sa place dans un gouvernement dirigé par Netanyahou. Cela n’est pas normal. Comme il n’est pas normal que des racistes démagogiques – quels qu’ils soient – invoquent à tort et à travers les crimes des nazis, leurs maîtres à penser.

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