Bruxelles accuse, Dakar contre-attaque

La Belgique demande à la Cour internationale de justice de statuer sur le cas de l’ex-dictateur tchadien.

Publié le 9 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Adressée le 17 février au greffier de la Cour internationale de justice (CIJ), la « requête introductive d’instance du Royaume de Belgique contre la République du Sénégal » contient bien des révélations. Long d’une quinzaine de pages, ce document, dont Jeune Afrique a obtenu copie, demande à la Cour de juger que le Sénégal est obligé de poursuivre pénalement Hissein Habré ou, à défaut, de l’extrader vers la Belgique pour qu’il y réponde de ses crimes. Cet acte est assorti d’une « demande en indication de mesures conservatoires » dans laquelle la Belgique demande à la Cour d’indiquer, en attendant qu’elle rende un arrêt définitif sur le fond, que « le Sénégal doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que M. Hissein Habré reste sous le contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du Sénégal ». Citant une interview diffusée par RFI du numéro un sénégalais, Abdoulaye Wade, qui menaçait de retirer le droit d’asile à Habré, la Belgique tient à tout prix à éviter que l’ex-dictateur ne trouve refuge dans un autre pays – comme l’Arabie saoudite – d’où elle aurait du mal à le faire extrader.

Avec force arguments, la requête cherche à démontrer la mauvaise volonté du Sénégal. Voire sa mauvaise foi. On y lit notamment : « Le Sénégal dit qu’il a besoin de 27,5 millions d’euros pour organiser ce procès ; à titre de comparaison, les trois procès tenus en Belgique relatifs aux événements qui se sont passés au Rwanda en avril-juillet 1994 ont coûté les sommes suivantes : 233 496,59 euros pour le procès des “quatre de Butare”, 308 345,56 euros pour l’affaire Nzabonimana, et 219 117,90 euros pour celle Ntuyahaga. Pour chacun de ces procès, plusieurs dizaines de personnes venues de l’étranger ont comparu à titre de témoins devant la Cour d’assises ; leurs frais de déplacement et d’hébergement ont été pris en charge par l’État belge. »

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Retraçant l’historique de l’affaire, depuis ce 19 septembre 2005, date à laquelle a été transmise à Dakar une demande d’extradition d’Habré, Bruxelles estime s’être heurté à de nombreux obstacles. Après avoir initié des négociations, les autorités belges ont, disent-elles, été obligées de constater leur échec le 20 juin 2006. Avant de convier leur vis-à-vis à une procédure d’arbitrage prévue à l’article 30 de la Convention de l’ONU de 1984 contre la torture. En vain.

La Belgique ajoute avoir demandé le 2 mai 2007 au Sénégal de lui indiquer dans quel délai il entendait juger ou extrader Habré. Puis, le 2 décembre 2008, de lui communiquer les coordonnées du magistrat instructeur et du magistrat du parquet désignés à cet effet. « À ce jour, précise la requête, la Belgique n’a reçu aucune réponse. » Plaidant donc le blocage systématique, la partie requérante affirme avoir épuisé toutes les voies de règlement amiable et n’avoir d’autre choix que de recourir à la CIJ.

Pour préparer sa réplique, le Sénégal a mis sur pied une cellule rattachée à la présidence de la République. Dirigée par Amadou Sall, porte-parole de Wade et avocat de profession, elle est constituée d’éléments des ministères de la Justice et des Affaires étrangères. Chargée de convaincre que le Sénégal a pris toutes les dispositions pour juger Habré, l’équipe prépare activement la première audience du 6 avril au cours de laquelle la CIJ doit statuer sur la demande de mesures conservatoires.

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