Cette Cour qui fait peur à tout le monde

Publié le 9 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

« La justice internationale ne semble appliquer les règles de la lutte contre l’impunité qu’en Afrique, comme si rien ne se passait ailleurs », a lancé Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), en apprenant, le 4 mars, qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre Omar el-Béchir.

La plupart des dirigeants du continent partagent son avis. Oubliant opportunément que le bureau de Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), suit aussi de très près la situation en Colombie et cherche à faire aboutir une procédure contre Israël…

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Pour certains, l’inculpation d’un chef d’État africain charrie même de forts relents de colonialisme, comme si on déniait aux habitants du continent la capacité de se juger entre eux.

Sans aucun doute, cette capacité existe. Mais la volonté fait défaut : depuis que l’UA a décidé, en juillet 2006, d’organiser le procès d’Hissein Habré au Sénégal, l’ex-dictateur tchadien continue de jouir d’une retraite dorée à Dakar.

Mais le populisme – rien de mieux qu’un épouvantail pour faire diversion – et la crainte de connaître le même sort qu’Omar el-Béchir ne suffisent pas à expliquer la réaction des membres du « syndicat des chefs d’État », comme certains surnomment l’UA. « L’UA se sent dessaisie du dossier sur le Darfour et le prend très mal », explique Adam Thiam, porte-parole d’Alpha Oumar Konaré lorsque celui-ci présidait la Commission.

En 2004, l’organisation est parmi les premières à tirer la sonnette d’alarme – notamment lors d’une réunion du Conseil de paix et de sécurité, en mai –, alors que la situation du Darfour n’émeut pas encore la planète et les stars de cinéma. Maintenant que le dossier est entre les mains de la CPI, ceux qui, au sein de l’UA, avaient fait part de leur inquiétude ont le sentiment de passer injustement pour des irresponsables.

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L’ouverture d’une enquête sur le Darfour n’a pas davantage fait l’unanimité hors du continent. En mars 2005, lorsque le Royaume-Uni soumet une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies pour que l’affaire soit déférée au procureur de la CPI, la Chine, qui achète 70 % des exportations soudanaises de pétrole, s’abstient de voter.

Aujourd’hui, la Russie, informée de l’intérêt porté par le bureau du procureur au conflit qui l’a opposée à la Géorgie en août 2008, qualifie l’émission d’un mandat contre El-Béchir de « dangereux précédent ».

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La France, elle, a louvoyé. Si elle n’a pas formellement présenté la résolution de mars 2005 au Conseil de sécurité, elle en a eu l’initiative. Mais lorsque, en juillet 2008, Moreno-Ocampo a annoncé qu’il requérait un mandat d’arrêt contre le président soudanais, Paris a tenté de convaincre Khartoum de donner des signes d’apaisement pour que la procédure soit suspendue.

En revanche, s’ils ne reconnaissent pas la CPI, les États-Unis ont toujours approuvé une procédure qui sert leur guerre contre un président soupçonné de soutien à l’islamisme.

Des soutiens à géométrie variable qui n’ont pas empêché le bureau du procureur de constituer un volumineux dossier d’accusation comportant des preuves remises par des proches d’El-Béchir, dont un général soudanais. Elles ont été obtenues grâce à plusieurs voyages à Khartoum – mais, pour des questions de sécurité, jamais au Darfour – et, pour une meilleure protection des témoins, dans les pays voisins, notamment au Tchad.

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