Le retour des momies
Art Africain: le pillage continue
« Nous sommes les fils du Nil. Bienvenue Ramsès, fondateur de la grande Égypte. » En octobre 2003, c’est au son de fanfares que l’Égypte a accueilli le retour sur son sol de la momie de Ramsès Ier, après cent cinquante ans d’exil en Amérique du Nord. Une victoire à mettre au crédit du gouvernement égyptien, qui, depuis 2001, affiche sa ferme intention de récupérer une partie de son patrimoine, que les musées occidentaux ont acquis à la faveur de la colonisation et des pillages. L’Égypte a réclamé aux Britanniques le retour de la pierre de Rosette, aux Allemands celui du buste de Néfertiti, aux Américains celui d’un masque de momie vieux de 3 200 ans. Pour le professeur Zahi Hawass, directeur du Conseil suprême des antiquités, « ces pièces archéologiques ont été volées ».
Un constat qu’ont réfuté les directeurs des principaux musées du monde en signant, en décembre 2002, la « Déclaration sur l’importance et la valeur des musées universels ». Ils y mettent l’accent sur « la nature destructrice de la restitution des objets », et ajoute que les musées des pays demandeurs sont dans la plupart des cas dans un état déplorable. En l’absence d’infrastructures, de moyens de préservation, de normes de sécurité et de personnel qualifié, les objets culturels seraient mieux conservés dans les musées des pays détenteurs. Comme le déplore le docteur Zaoui, archéologue et président du Comité national de lutte contre la contrebande, « pendant trop longtemps, les musées égyptiens ont été laissés à l’abandon. Dans les caves du musée du Caire, des pièces ont été volées et ce sont souvent les services du Conseil des antiquités qui sont mis en cause. »
En 2003, un membre du Parti national démocrate, au pouvoir, et l’ex-numéro deux du service des antiquités de Louxor sont arrêtés pour avoir exporté illégalement plus de 300 pièces. En 2005, c’est le directeur du département des antiquités qui est condamné pour avoir délivré de faux certificats. En raison de l’abondance de pièces antiques en Égypte, la contrebande y est un commerce florissant et elle pèserait, selon les experts, près de 1 milliard de dollars par an. Un commerce auquel le gouvernement est bien décidé à mettre fin.
Sanctions sévères
Les sanctions contre les pilleurs et les receleurs ont été durcies et vont jusqu’à vingt-cinq ans de prison. Le ministère de l’Intérieur a mis en place une section spécialisée au sein de la police et les douaniers ont été formés à mieux évaluer la provenance des œuvres et leur authenticité. En 2008, le Conseil suprême des antiquités a également renforcé le contrôle sur les fouilles archéologiques et invité tous les négociants en biens culturels à tenir des registres précis. Mais, pour un expert qui souhaite rester anonyme, ce dispositif est loin d’être suffisant. « Le gouvernement ne peut pas faire respecter la loi tant que persistera la corruption. Et il est impuissant face aux musées et aux collectionneurs privés qui paient des fortunes pour acquérir certains objets d’art. »
Pour le docteur Zaoui, la solution se trouve du côté du Grand Musée égyptien, qui ouvrira ses portes en 2011, au pied des pyramides de Gizeh. « C’est en redécouvrant leur patrimoine que les Égyptiens auront envie de le protéger », considère-t-il. Conçu pour être le plus grand musée du monde, il s’étendra sur cinquante hectares et devrait coûter 550 millions de dollars. Comme l’a indiqué à l’Agence France Presse son directeur administratif, Mohammed Saleh, « le musée disposera d’une collection de 150 000 pièces unique au monde et il devrait attirer jusqu’à 8 millions de touristes par an ».
Mais, surtout, il bénéficiera des dernières avancées technologiques en termes de sécurité, de préservation des œuvres et de recherches archéologiques. Rivalisant avec les plus grands musées d’Europe, il pourrait légitimement demander à abriter les merveilles des pharaons et faire du pillage une histoire ancienne.
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