Le mystère Katoucha

Noyade accidentelle ou meurtre ? Un an après la découverte, sous un pont de Paris, du corps sans vie de l’ex-top-modèle d’origine guinéenne, des zones d’ombre demeurent.

Publié le 3 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

Les eaux boueuses de la Seine gardent leurs secrets. Un an après la découverte du corps sans vie de Katoucha près du pont du Garigliano, à Paris, les circonstances de la noyade de la « Princesse peule » continuent d’alimenter les fantasmes. Et la procédure judiciaire.

Pourtant, les premières conclusions de la police semblaient limpides : mort accidentelle par noyade. C’est dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2008 que le déjà singulier destin de l’ex-reine des podiums, icône de la « black attitude » et égérie d’Yves Saint Laurent a basculé. À l’issue d’un dîner bien arrosé dans le très branché restaurant de l’hôtel Costes, Katoucha se fait raccompagner par un ami au pied de la passerelle de La Petite Vitesse, la confortable péniche de son compagnon, l’artiste Laurent-Victor Cotte, amarrée au pied du pont Alexandre-III. Il est près de 2 heures du matin, il fait froid et il pleut. C’est la dernière fois qu’elle sera vue vivante.

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UN MOIS D’ATTENTE

Trois jours plus tard, après avoir laissé une centaine de messages sur son portable enfoui au fond de son sac à main retrouvé sur le pont de la péniche, ses proches donnent l’alerte. Son amie Cécile Barry signale sa disparition et la Brigade d’enquête sur les atteintes aux personnes prend l’affaire en main. Il faudra attendre le 28 février, soit près d’un mois plus tard, pour que le corps de la jeune femme soit retrouvé dans la Seine, à hauteur du pont du Garigliano. Pratiquée sous la direction du Pr Dominique Lecomte, directrice de l’Institut médico-légal, l’autopsie conclut : « submersion rapide sans traces de violences physiques ou sexuelles », « taux important d’alcoolémie », « absence de substances toxicologiques ». Cette dernière précision a son importance, le goût de Katoucha pour les drogues lui ayant valu le surnom de « Dope Model ».

« Pour moi, au fond de mon cœur, je pense que c’est un accident. Avant le drame, elle était déjà tombée d’une péniche dans la Seine, avant d’être secourue. Elle a dû glisser une nouvelle fois », explique Cécile Barry, qui, par ailleurs, « exclut formellement » la possibilité d’un suicide.

Pourtant, la thèse de la noyade accidentelle est rejetée par le père du mannequin, le très respecté historien guinéen Djibril Tamsir Niane, qui, dès mars 2008, fait appel à Me Roland Dumas. L’ancien chef de la diplomatie française porte immédiatement plainte pour meurtre. L’enquête est confiée au juge d’instruction Gérard Caddéo.

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« Ce qui m’a paru suspect quand je suis allé à la morgue pour identifier le corps, c’est l’état du visage, qui était quasi intact, explique M. Niane à Jeune Afrique. J’ai donc demandé au médecin s’il était possible qu’un corps immergé pendant quatre semaines soit en si bon état. Il m’a répondu n’avoir jamais vu ça de toute sa carrière. C’est à partir de ce moment que j’ai eu la conviction qu’il ne s’agissait pas d’une noyade. »

TRAFIC DE STUPÉFIANTS

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Alors, enlèvement ? Assassinat ? Rien ne permet de l’affirmer. Pour l’heure, l’enquête judiciaire semble n’avoir que très partiellement levé les légitimes interrogations de la famille de Katoucha. Car « les portes à fermer », selon l’expression en usage dans la police, sont nombreuses dans le cas de ce papillon de nuit, de cette croqueuse d’hommes doublée d’une femme d’affaires qu’était Katoucha.

Un assassinat lié à l’univers de la drogue ? Grande consommatrice, de cocaïne notamment, l’ex-mannequin avait fait un séjour dans les geôles sénégalaises, en 1996, pour trafic et détention de stupéfiants. Deux ans auparavant, le Russe Sergueï Mazarov, l’une de ses relations, était mort criblé de balles lors, semble-t-il, d’un règlement de comptes entre narcotrafiquants.

Cette piste, susceptible d’être approfondie dans le milieu de la nuit parisienne, pourrait aussi passer par le Sénégal, le deuxième pays d’adoption de Katoucha. Débordant de projets, la Princesse était connue pour son engagement contre l’excision, pratique dont elle-même avait été victime à l’âge de 9 ans*. Elle avait aussi monté une académie de haute couture à Dakar, rêvant de faire de la capitale sénégalaise un carrefour international de la mode. Avec Laurent-Victor Cotte, elle avait également pris des parts dans un restaurant gastronomique, le Montecristo sur la route des Almadies.

Le montage financier de cet établissement était apparemment des plus opaques. Son père affirme aujourd’hui que Katoucha semblait reprocher à Pierre Demettre, l’un de ses partenaires, sa gestion douteuse. Des menaces auraient été proférées à son encontre. Son compagnon, qui semble également avoir joué un rôle décisif dans la gestion de cette affaire, pourrait être amené à donner des explications à la justice.

Les amateurs d’intrigues policières seront également intéressés d’apprendre que l’ancien propriétaire du Montecristo est l’actuel dirigeant de l’une des boîtes de nuit les plus en vue du quartier des Almadies, où les danseuses sont parfois des professionnelles et les richissimes clients souvent dans des états seconds.

Accident ou meurtre ? Le juge Caddéo a encore du travail pour convaincre ses parents et ses trois enfants que la belle Katoucha est bien morte brûlée au feu de ses nuits. 

* Voir Dans ma chair, l’autobiographie de Katoucha, aux Editions Michel Lafon.

Retrouvez l’enquête vidéo consacrée à Katoucha:

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