Ce que pensent les juifs iraniens

International Herald Tribune Quotidien, Paris

Publié le 3 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Sur la place de Palestine, à Ispahan, face à la mosquée Al-Aqsa, se trouve une synagogue où les juifs se rassemblent au coucher du soleil. Sur le fronton, une banderole avec ce message : « Félicitations pour le 30e anniversaire de la Révolution islamique, de la part de la communauté juive d’Ispahan ». Soleiman Sedighpoor, 61 ans, antiquaire de son état, conduit l’office. J’ai fait sa connaissance la veille, dans sa boutique. Quand je lui ai demandé ce que le slogan « mort à Israël ! », qui ponctue la vie quotidienne en Iran, lui inspirait, il me répondit : « Et alors ? Je suis ici depuis quarante-trois ans et je n’ai jamais eu le moindre problème. Il m’arrive de me rendre en Israël pour voir des parents, mais quand j’ai vu ce qui se passait à Gaza, je suis aussi descendu dans la rue pour manifester, en tant qu’Iranien. »

Avec la Turquie, l’Iran est le pays du Moyen-Orient qui abrite la communauté juive la plus forte (25 000 personnes). Il y a plus d’une douzaine de synagogues à Téhéran. À Ispahan, les juifs sont environ 1 200. Ce sont les derniers représentants d’une communauté dont la présence remonte à quelque trois mille ans. Depuis la création d’Israël, en 1948, et la Révolution islamique en 1979, environ 100 000 juifs iraniens ont quitté le pays. C’est sans commune mesure avec l’exode massif que l’on a observé dans les pays arabes, où vivaient quelque 800 000 juifs en 1948. À cette date, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Égypte et l’Irak abritaient 485 000 israélites ; ils ne sont plus que 2 000 aujourd’hui. Les juifs arabes ont pratiquement disparu, ceux de Perse, eux, se portent nettement mieux. Un décalage qui s’explique, en partie, par le cycle interminable de guerres israélo-arabes.

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Il n’empêche, le mystère qui entoure la condition des juifs d’Iran reste entier. Il importe de savoir ce qui est le plus significatif : les envolées délirantes sur l’anéantissement d’Israël, la négation de l’Holocauste et autres provocations iraniennes, ou le fait que la communauté juive d’Iran vit, travaille et prospère pratiquement en toute tranquillité. Peut-être ai-je tendance à préférer les faits aux mots, mais je pense que la civilité bien réelle dont les Iraniens font montre à l’égard de leur communauté juive en dit plus sur l’Iran – et sur sa sophistication et sa culture – que toutes les rhétoriques enflammées. Il est possible que je sois parvenu à cette conclusion parce que je suis juif et que je n’ai nulle part été accueilli aussi chaleureusement qu’en Iran. Ou parce que j’ai été frappé de constater que le déferlement de colère pendant les événements de Gaza ne se soit pas traduit par des dérapages verbaux ou des actes de violence contre la communauté juive. Ou encore parce que je suis convaincu que la diabolisation de l’Iran et l’assimilation de tout compromis avec lui à une capitulation similaire à celle de Munich en 1938 – une comparaison très répandue dans les milieux juifs américains – constituent non seulement une erreur d’appréciation, mais aussi un grave danger.

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