Comment Netanyahou veut neutraliser Obama
Pour entamer la détermination du président des États-Unis à promouvoir la paix et à construire des passerelles avec le monde musulman, le probable futur Premier ministre envisage plusieurs stratagèmes.
Chargé par le président israélien Shimon Pères de former un gouvernement, le leader du Likoud, Benyamin Netanyahou, a jusqu’au 17 mars pour constituer une coalition. Mais au-dessus des tractations avec ses différents interlocuteurs plane l’ombre du nouveau président américain, Barack Obama. En s’attaquant à sa mission, Netanyahou sait qu’il devra trouver un moyen de désamorcer la menace que représente Obama. Car sur l’Iran, sur la solution au conflit israélo-palestinien comme sur les relations avec le monde musulman en général, les positions des deux hommes sont diamétralement opposées. Selon les premières indications, Netanyahou envisage trois options pour réduire, esquiver puis dissiper une éventuelle pression de Washington, tout spécialement sur la question palestinienne, dont il n’a pas, contrairement à Obama, l’intention de faire une priorité.
La première option consiste à former une coalition modérée composée du Likoud (27 sièges), du parti centriste Kadima de Tzipi Livni (28 sièges) et du Parti travailliste d’Ehoud Barak (13 sièges). Une telle coalition ne manquerait pas d’attirer de plus petits partis de manière à disposer d’une confortable majorité à la Knesset, qui compte 120 sièges. Mais Livni exige un vrai pouvoir de décision au sein de cette coalition, ce que Netanyahou ne souhaite pas lui donner, tandis que Barak croit plus sage de reconstruire son parti déliquescent en restant dans l’opposition. Du point de vue de Netanyahou, une coalition modérée aurait plus de chances de neutraliser la pression d’Obama. À l’inverse, une alliance entre la droite, l’extrême droite – Israel Beitenou, le parti ouvertement raciste d’Avigdor Lieberman – et les ultraorthodoxes s’attirerait l’opprobre de la communauté internationale et détériorerait un peu plus l’image de l’État hébreu. Dans ce cas de figure, les amis d’Israël à Washington auraient bien du mal à le défendre face à Obama.
Diversion
La deuxième option consiste à se tourner vers Damas pour tenter de rouvrir avec lui les pourparlers indirects, via la Turquie. La Syrie pourrait y trouver un intérêt, puisqu’elle cherche à améliorer ses relations avec les États-Unis et l’Europe. En jouant la carte syrienne, Netanyahou disposerait d’un prétexte pour résister à la pression des Américains, qui souhaitent des avancées dans le dossier palestinien. L’argument selon lequel il n’est pas possible de se concentrer sur deux problèmes à la fois a déjà été utilisé par Israël à de nombreuses reprises pour éviter de s’avancer vers une paix globale.
Dans tous les cas, Israël n’a aucune intention d’accéder aux revendications de la Syrie, à savoir la restitution du plateau du Golan. De son côté, Damas ne place pas de grands espoirs dans la reprise des pourparlers : un traité de paix avec Israël n’est pas envisageable tant qu’il n’y aura pas eu de progrès substantiel sur le dossier palestinien. Si les discussions devaient reprendre, cela relèverait donc, de part et d’autre, d’un calcul parfaitement cynique et sans aucun espoir d’aboutir.
La troisième option pour contrer Obama est de jouer sur le danger présumé que représentent l’Iran et son programme nucléaire, renvoyant ainsi aux calendes grecques les aspirations politiques des Palestiniens. Quand il a accepté de former un gouvernement, Netanyahou s’est aussitôt montré agressif à l’égard de Téhéran : il ne fait aucun doute, a-t-il déclaré, que l’Iran cherche à acquérir la bombe atomique. Et qu’Israël est confronté à la plus grande menace depuis sa création, en 1948. Les forces du terrorisme se rassemblent dans le Nord – en référence au Hezbollah, au Liban –, a-t-il ajouté, fidèle à sa volonté de dramatiser. Jouer sur l’hystérie à propos de l’Iran fait partie de la stratégie habituelle de Netanyahou, que rien n’inquiète tant que l’idée d’un dialogue entre Washington et Téhéran. C’est la même stratégie, fondée sur la peur (et l’accusation selon laquelle Saddam Hussein disposait d’armes de destruction massive), qui a été utilisée en 2003 par les néoconservateurs pro-israéliens pour pousser l’Amérique à la guerre contre l’Irak. L’amiral Dennis Blair, directeur du renseignement américain, a même prédit, devant la Commission sénatoriale du renseignement, un affrontement entre Israël et l’Iran en 2009. Mais, à Washington, rares sont les observateurs qui estiment que Tel-Aviv pourrait lancer une attaque contre la République islamique sans le feu vert américain, que l’administration Obama n’est certainement pas près de donner.
Guerre secrète
À défaut de déclencher une guerre, Israël œuvre en secret, comme le rapporte le Daily Telegraph, pour contrer les activités nucléaires de l’Iran (sabotage, agents doubles, assassinats). Le journal cite des rumeurs selon lesquelles le Mossad serait derrière la mort d’Ardeshire Hassanpour, un des meilleurs scientifiques de l’usine d’uranium d’Ispahan, décédé dans des circonstances mystérieuses en 2007. Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter et très critique à l’égard d’Israël, a recommandé aux États-Unis et à l’Iran de ne pas perdre de temps. Netanyahou devra donc agir vite et se montrer particulièrement habile s’il veut entamer la détermination d’Obama à ouvrir une nouvelle page avec l’Iran, à promouvoir la paix entre Israéliens et Palestiniens, et à construire des passerelles avec le monde arabe et musulman.
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