Bruxelles veut Habré
La Belgique veut contraindre Dakar à juger l’ancien président tchadien. Ou à le lui remettre.
La bataille pour le jugement d’Hissein Habré, du nom du dictateur qui ensanglanta et pilla le Tchad de 1982 à 1990, connaît un nouveau rebondissement. Le 19 février, la Belgique a attaqué le Sénégal devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour l’obliger à juger Habré ou à le lui remettre pour jugement. Ce développement inattendu découle de la dernière conférence des chefs d’État de l’Union africaine des 2 et 3 février, qui a fini par convaincre plusieurs observateurs que Dakar, où s’est réfugié l’ex-président depuis sa chute en 1990, n’est pas prêt à organiser son procès. Arrivé à Addis-Abeba accompagné de Demba Kandji, le juge qui a inculpé Habré pour la première fois en 2000 à la suite d’une plainte de victimes, le chef de l’État sénégalais, Abdoulaye Wade, s’est attelé à expliquer à ses pairs qu’il était dans l’impossibilité de faire avancer le dossier tant que la somme de 18 milliards de F CFA – évaluation du coût du procès par le gouvernement sénégalais – n’est pas mise à sa disposition. Non sans menacer, s’il tarde à la recevoir, de retirer le droit d’asile offert par son pays à Habré.
Craignant sans le dire que ce dernier ne trouve un jour refuge dans un « désert juridique », comme l’Arabie saoudite, la Belgique a assorti son action devant la CIJ d’une demande de mesure conservatoire. Elle souhaite que la Cour, qui ne statuera pas sur le fond de sa requête avant une ou plusieurs années, ordonne dès à présent au Sénégal de garder Hissein Habré sur son sol jusqu’à ce qu’elle statue sur la cause. Pour fonder sa demande, Bruxelles, qui avait soumis à Dakar une demande d’extradition en 2005, après avoir instruit plusieurs plaintes déposées en 2001 par des ressortissants belges, dont un d’origine tchadienne, se fonde sur la Convention contre la torture de 1984. Ce traité international, que les deux pays ont signé, oblige tous les États qui en sont parties prenantes, à juger ou à extrader les auteurs d’actes de torture. Abdoulaye Wade, qui fut un avocat réputé pour son opiniâtreté, préférera sans doute organiser un procès plutôt que de s’exécuter.
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