Au pays du perpétuel chaos

Le retrait des forces éthiopiennes et l’élection d’un nouveau chef de l’État n’ont pas changé la donne. Les violences persistent, et les soldats étrangers en sont les premières victimes.

Publié le 2 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Le bilan de l’attentat kamikaze ayant pris pour cible, le 22 février, la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) est particulièrement lourd : onze soldats burundais ont été tués et quinze autres blessés, évacués d’urgence vers Nairobi. Depuis le retrait des forces éthiopiennes, le 25 janvier, la situation sécuritaire se dégrade dans ce pays tombé dans le chaos après la chute du dictateur Mohamed Siad Barré, en 1991. Il est vrai que, depuis cette date, toutes les tentatives de la communauté internationale pour stabiliser la situation ont échoué.

En 1994, l’opération américaine Restore Hope vire au cauchemar pour les GI, qui quittent rapidement le pays, le laissant à la merci des seigneurs de guerre. En très peu de temps, les différentes factions en font un véritable champ de bataille, sur lequel les questions de leadership et de contrôle des territoires pour les différents trafics, se règlent à coups de canons de 120 millimètres. Après quinze ans de chaos, on dénombre pas moins de 500 000 victimes et près de 3 millions de déplacés.

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En juin 2006, une force politico-militaire parvient finalement à s’imposer à Mogadiscio : l’Union des tribunaux islamiques. À sa tête deux hommes : le porte-parole Cheikh Charif Cheikh Ahmed (voir encadré) et un gourou idéologique, Dahir Aweis. En quelques mois, les Tribunaux chassent les seigneurs de guerre, désarment leurs milices et jettent les bases d’un nouvel État théocratique. Une paix toute relative revient à Mogadiscio, l’aéroport reprend ses activités, mais les Tribunaux ont mauvaise presse. Washington les assimile à des talibans. Quant à l’Éthiopie, puissant voisin du Nord et rival historique de la Grande Somalie, elle refuse de laisser prospérer à ses frontières méridionales une République islamique. Avec l’aval tacite de la communauté internationale, l’Éthiopie de Mélès Zenawi dépêche, en décembre 2006, un corps expéditionnaire de 30 000 hommes. Les Tribunaux islamiques sont, à leur tour, chassés de Mogadiscio. Le gouvernement du président Abdallah Youssouf, adoubé par l’Union africaine, entre dans la capitale somalienne protégée par les chars éthiopiens. Cela lui fera perdre toute crédibilité aux yeux de la population locale, généralement hostile aux soldats étrangers.

L’UA décide de dépêcher une mission militaire pour suppléer les forces éthiopiennes. L’Amisom n’atteindra jamais ses objectifs. Prévue avec des effectifs de 8 000 hommes, la Mission de l’UA ne dispose que de trois bataillons : deux burundais et un ougandais. En tout et pour tout 3 500 soldats peu équipés et cantonnés à Mogadiscio.

Si les Tribunaux islamiques ont été mis en déroute par les Éthiopiens, la résistance s’organise très rapidement. De nouvelles milices islamiques voient le jour : Chabab el-Moudjahidine (« les jeunes moudjahidine ») harcèlent quotidiennement les « occupants » éthiopiens. Deux ans plus tard, les affrontements ont fait 16 000 civils tués et 300 000 nouveaux réfugiés de plus, et Addis-Abeba décide de retirer ses troupes. Épargnée par les attaques des milices qui concentraient jusqu’ici leurs opérations contre les militaires éthiopiens, l’Amisom incarne, aux yeux des Chabab, l’occupant étranger. Les blindés éthiopiens ont à peine quitté Mogadiscio, le 25 janvier, qu’une nouvelle fatwa fait le tour des quartiers : les attentats kamikazes (procédé jusque-là rarement utilisé par les Chabab) sont déclarés licites pour chasser les Casques verts burundais et ougandais. L’attentat du 22 février est sans doute le premier d’une longue série.

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