La crise, la Haca et les nouvelles télés

Le 23 février, la Haute Autorité de communication audiovisuelle (Haca) du Maroc a surpris en annonçant le report sine die de l’attribution de deux licences de télévision, en raison de « facteurs conjoncturels et sectoriels intervenus depuis septembre 2008 ». Dans un contexte de crise économique et de « contraction du marché publicitaire », les Sages ont considéré que l’apparition d’une nouvelle chaîne risquait de « compromettre l’équilibre des opérateurs audiovisuels publics et privés ».

Un responsable d’une chaîne publique juge très sévèrement cette décision : « C’est une duperie. Le marché de la publicité étant en crise depuis longtemps, il aurait fallu se poser la question avant de lancer un appel à candidatures. La Haute Autorité a fait la preuve de son amateurisme et de son inexpérience. » Même son de cloche du côté du Groupement des annonceurs du Maroc (GAM). Kamal Bouayad, son président, juge que la Haca manque de vision et réfléchit à court terme. « Nous comptions beaucoup sur ces nouvelles télévisions. La diversification aurait permis de relancer l’investissement publicitaire », estime-t-il.

La Haca justifie par ailleurs sa décision par la crise que traverse Médi 1 Sat, dont les finances sont dans le rouge depuis des mois. Elle redoute manifestement de rééditer son erreur de 2005, quand elle avait octroyé une licence à la chaîne d’information franco-marocaine, alors que beaucoup considéraient, dès le départ, qu’elle n’était pas viable.

Le recul de la Haca laisse un goût amer à tous les porteurs de projets, dont beaucoup avaient mobilisé d’importants moyens financiers. Othman Benjelloun, patron de la BMCE et grand favori dans la course aux licences, avait par exemple présenté un projet de chaîne généraliste dans lequel il prévoyait d’investir près de 15 millions d’euros. Le 24 février, sur Radio Atlantic, il est sorti de sa réserve habituelle pour critiquer avec virulence la décision de la Haute Autorité.

Officiellement, l’ouverture et la diversification du paysage audiovisuel restent l’un des objectifs de cette dernière. Reste que, dans l’immédiat, elle s’est cependant contentée d’octroyer quatre licences de radio à « couverture multirégionale ».