Tayeb Saleh

L’écrivain soudanais est mort le 17 février, à l’âge de 80 ans, à Londres, où il vivait en exil. Il laisse une œuvre décisive pour les lettres arabes et représentative des aspirations africaines des années 1960.

Publié le 25 février 2009 Lecture : 2 minutes.

« À travers la fenêtre, j’aperçus dans la cour notre vieux palmier au tronc robuste, élancé, ses racines plongeant dans la glèbe et ses palmes nonchalantes dont le bouquet vert débordait la cime. Je fus pénétré d’une profonde sécurité. Ainsi ne suis-je pas plume au vent, mais créature, pareille à ce palmier, de haut lignage et de sûre destinée. » C’est en ces termes que se décrit le personnage principal de Saison de la migration vers le Nord, l’un des grands classiques de la fiction arabe.

Son auteur, Tayeb Saleh, qui s’est éteint à Londres le 17 février à l’âge de 80 ans, aurait pu lui aussi se définir comme une « créature de haut lignage ». En raison de son œuvre littéraire qui le place dans la lignée des plus grands romanciers. Comparé à Tewfik El Hakim ou à Naguib Mahfouz, Saleh est en effet considéré comme l’un des pères fondateurs de la littérature arabe moderne.

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Rien ne prédisposait à l’écriture ce fils et petit-fils de paysans. Né en 1928, dans la petite bourgade de Karmakol, au nord du Soudan, Tayeb Saleh entame des études d’agronomie à l’université de Khartoum, avant de les poursuivre, dès 1952, en Angleterre. La guerre civile qui éclate au Soudan à l’indépendance, en 1956, le contraint à rester à l’étranger. Il intègre le service arabe de la BBC, avant de rejoindre l’Unesco à Paris. Taraudé autant par l’exil que par la nostalgie du pays natal, il écrit. Son œuvre se limite à quatre romans et un recueil de nouvelles. Mais elle est importante et représentative des quêtes et des aspirations africaines des années 1960 marquées par la fin du colonialisme et la montée des nationalismes.

Tayeb Saleh écrivait en tant que Soudanais, issu d’une région carrefour où le monde arabe rencontre le monde africain. Mais aussi en tant que migrant. Ayant vécu au cœur de l’Europe impériale, il a su brosser avec subtilité le portrait du colonisé, déchiré entre le Sud et le Nord, entre la tentation du retour aux origines et la conscience douloureuse de sa dette envers l’Occident colonisateur. Ce sont ces paradoxes qu’interroge et explore le chef-d’œuvre de Saleh, Saison de la migration vers le Nord, paru en 1966.

À la fois fable et chronique picaresque, ce roman met en scène l’errance de deux intellectuels tiraillés entre l’Angleterre et leur Soudan natal. C’est le Cahier d’un retour au pays natal version soudanaise. Retour impossible du moins pour le protagoniste Mustafa Saïd, qui vit dans la nostalgie de ses années turbulentes passées en Angleterre, des femmes qu’il a aimées jusqu’à parfois les tuer, et surtout de la vie intellectuelle européenne, comme le révèle cette pièce secrète que Saïd a aménagée dans sa maison du fin fond de l’Égypte où s’accumulent les trésors de la pensée occidentale : de Platon à Virginia Woolf, en passant par Shakespeare, Macaulay, Shaw, Carlyle… « Mais pas un seul livre arabe ! »

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Interdit dans les années 1990 au Soudan, Saison de la migration vers le Nord a été désigné en 2001 comme le « roman arabe le plus important du XXe siècle » par l’Académie arabe de littérature de Damas.

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