L’avenir sera féminin

Dans un pays réputé conservateur, la scolarisation massive des filles et l’ouverture du marché du travail aux femmes ont permis aux Algériennes de remporter quelques batailles dans la guerre pour la parité.

Publié le 24 février 2009 Lecture : 4 minutes.

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1999-2009: Les années Bouteflika

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Il aura fallu attendre près d’un demi-siècle après l’indépendance du pays pour que l’Algérienne puisse transmettre sa nationalité à ses enfants nés d’un mariage avec un ressortissant étranger. Un décret présidentiel publié au Journal officiel du 7 février 2009 rend exécutoire cette disposition de la réforme de la loi sur la nationalité, adoptée en 2005.

Pourquoi l’Algérie moderne, née d’un combat libérateur dans lequel la femme a pris une large part, a-t-elle mis autant de temps pour accorder à cette dernière un droit pour le moins élémentaire ? Les conservatismes ont de tout temps primé le lyrisme égalitaire des textes fondateurs de la République. L’égalité entre les citoyennes et les citoyens a été virtuelle, sans pour autant donner naissance à un combat féministe organisé.

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Il a fallu attendre les années 1980 et l’adoption, en 1984, d’un code de la famille confinant la femme au statut de mineure à vie pour que la société s’empare de la cause des droits de la femme en Algérie. Et si, un quart de siècle plus tard, cette législation ­inique n’a pu être abrogée, la situation des femmes algériennes a connu des avancées considérables, à l’image de ce nouvel acquis du 7 février 2009.

La démocratisation de l’enseignement est sans doute le slogan révolutionnaire des années 1960 le moins creux. La première année universitaire de l’Algérie indépendante (1962-1963) a vu l’inscription de 576 Algériennes. Aujourd’hui, ce chiffre a été multiplié par mille, puisqu’elles sont près de 600 000 sur les bancs des amphis et dans les laboratoires de recherche de la trentaine de campus que compte l’université algérienne.

La politique volontariste de scolarisation des filles est arrivée à bout des résistances et du conservatisme ambiant. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l’amélioration des conditions de scolarisation à travers l’extension du réseau de cantines, le développement du transport scolaire et l’allocation de primes de scolarité a contribué à une sensible augmentation de la parité filles-garçons dans le primaire. Elle est passée de 0,81 en 1990 à 0,89 en 2004 (la norme imposée par les Objectifs du millénaire est de 0,87).

Pour l’enseignement secondaire, l’évolution est plus spectaculaire. En 1990, on comptait 87 lycéennes pour 100 lycéens. Aujourd’hui, elles sont 134 pour le même nombre de garçons. Cette tendance se confirme pour l’enseignement supérieur. Le taux de féminisation atteint 57 % sur l’ensemble des filières. Ce taux monte à 61 % en fin de cycle. Et si les étudiantes sont plus performantes que les « mâles » de leur promotion, cela n’est pas étranger à leur volonté de réussir pour gagner en indépendance et en affirmation de soi dans une société au machisme zélé.

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Une révolution en marche

Tout cela n’est pas sans conséquences sur la perception du rôle de la femme dans la société. Aujourd’hui, notamment en milieu rural, où il y a quelques années à peine il était difficile de croiser une femme sur la voie publique (dépositaire de l’honneur de la tribu, elle était cloîtrée dans l’espace privé), la féminisation de l’élite a imposé sa présence à des échelons divers, de l’administration à l’entreprise, en passant par l’hôpital ou l’exploitation agricole moderne. Ce n’est pas la révolution, mais cela y ressemble.

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Selon le Pnud, la population active féminine connaît une augmentation exponentielle, passant de 8,3 % de l’ensemble en 1991 à près de 18 % en 2006. Plus de la moitié des travailleurs du secteur tertiaire sont des travailleuses, plus du quart des effectifs de l’industrie est constitué d’employées et plus d’un agriculteur sur cinq est une agricultrice. Enfin, si la fonction publique est le premier employeur des femmes, qui sont 400 000 fonctionnaires, notamment dans les secteurs de l’éducation (50 % des effectifs) et celui de la santé, 60 % des femmes actives exercent dans le secteur privé.

Les différents dispositifs d’emploi profitent plus aux jeunes filles (50,5 %) qu’aux jeunes hommes, mais celles-ci demeurent minoritaires dans la micro-entreprise, où moins de 20 % des projets sont initiés par des promotrices.

Mais il ne faut pas croire que tous ces acquis ont été possibles sans concessions. Aucune étude ne le chiffre, mais l’écrasante majorité des salariées, qu’elles soient cadres ou simples exécutantes, portent le voile. Moins par conviction religieuse que pour simplement avoir la paix. « D’instrument de domination masculine, analyse Nadjat, psychologue dans un centre de gériatrie à Boumerdès, le voile est devenu l’outil qui garantit l’indépendance de la femme. Que ce soit dans le milieu rural ou dans une grande ville, un simple fichu sur la tête fait plus pour l’égalité entre les hommes et les femmes que toutes les lois de la République réunies. »

Est-ce pour autant un bémol aux incontestables avancées de la cause féministe en Algérie ? Non, si l’on en juge l’amélioration des conditions de l’autonomie des Algériennes. « Le travail de la femme ne constitue plus un simple revenu d’appoint pour le ménage, explique Nadjat. Les rapports entre conjoints s’en trouvent bouleversés comparés à ceux qu’entretenaient nos parents. »

Si l’on s’en tient à la seule faiblesse du taux de femmes dans la population active (moins de 20 %, un des plus faibles taux au monde) et au peu de postes à hautes responsabilités qu’elles occupent (5 %), on peut dire qu’en matière de parité, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Cependant, les femmes ne cessent de gagner du terrain et prennent même le pas sur la gent masculine dans certains domaines comme le commerce, la justice, la presse, les professions médicales, où elles représentent plus de 60 % des effectifs.

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