Enfin une nouvelle vague

Véritable serpent de mer de la politique culturelle, la relance du septième art refait surface depuis quelques mois. Et il semble que cette fois-ci pourrait être la bonne.

Publié le 24 février 2009 Lecture : 3 minutes.

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Mascarades, le dernier film du jeune Lyes Salem (né en 1973 à Alger), semble enfin sonner le signal. Sorti sur les écrans algériens en septembre dernier et en décembre en France, il a raflé une dizaine de prix, dont celui du meilleur film arabe au 32e festival du Caire et le Valois d’Or du festival francophone d’Angoulême, et fait partie de la sélection du 40e Fespaco à Ouagadougou (28 février-7 mars) et du 25e festival Pan-Africa international de Montréal (16-26 avril).

Lyes Salem, qui a déjà reçu un oscar en 2003 pour son court-métrage Cousines, est loin d’être le seul à incarner ce réveil. D’autres réalisateurs se sont fait remarquer en Algérie et à l’étranger en 2008 : Amor Hakkar avec La Maison jaune (également en lice pour le Fespaco), Tarik Teguia avec Roma Oula Ntouma (Rome plutôt que vous) ou encore Malek Bensmaïl avec La Chine est encore loin. Alors, peut-on parler de renouveau du cinéma algérien ? Ce moribond vivote depuis vingt ans sur le souvenir de son glorieux passé international, dont l’acmé reste la Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina, Palme d’or au Festival de Cannes en 1975 – la première et seule à ce jour pour l’Afrique –, et l’Omar Gatlato de Merzak Allouache, en 1976. Sans oublier le rôle de la Cinémathèque d’Alger, dirigée pendant trente ans par le passionné et combatif Boudjemâa Karèche.

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Le passé démystifié

Nostalgique des années fastes, des Djamel Chanderli, Yacef Saadi, Mostefa Lachref, Ahmed Rachedi… l’Algérie continuait de célébrer son cinéma, né dans le maquis sous les auspices d’un René Vautier, d’un Jacques Charley – parmi les cinéastes français qui ont « formé » les premiers réalisateurs du pays – ou d’un Henri Langlois, l’un des fondateurs de la Cinémathèque française.

Mais l’autocélébration s’est faite de plus en plus discordante, au vu du déclin, puis de la traversée du désert, des décennies 1980 et 1990, au cours desquelles peu de films ont marqué le box-office. La faute, entre autres, à un réseau de distribution défaillant, au manque de salles et à l’abandon du septième art par les pouvoirs publics.

Or les temps semblent changer. Deux événements ont donné un premier coup de pouce à la production algérienne : l’Année de l’Algérie en France, en 2003, et Alger capitale de la culture arabe 2007 (dans le cadre duquel vingt longs-métrages ont été produits). La ministre de la Culture, Khalida Toumi, a par ailleurs marqué sa volonté de revivifier le cinéma algérien : programme de réhabilitation des salles (nationalisées en 1964 par Ben Bella, une partie d’entre elles a été privatisée au début des années 1980), hausse des aides à la production, etc. « Il y a vraiment une volonté politique d’accompagner la renaissance du cinéma algérien », souligne Ahmed Bedjaoui, expert ès cinéma et conseiller spécial de la ministre.

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Certes, les problèmes de financement demeurent mais, depuis l’an dernier, le plafonnement des subventions de l’État à 100 000 euros a été supprimé et un accord de coproduction entre la France et l’Algérie a été signé. L’occasion de souligner que la plupart des grands succès estampillés « films algériens » qui passent les frontières sont des coproductions, le plus souvent franco-algériennes. Le financement algérien est encore minoritaire, de l’ordre de 15 % à 20 % dans le meilleur des cas. Et si le renouveau du cinéma algérien passait par cette réconciliation des deux rives ? Encore faut-il ne pas omettre le travail des jeunes réalisateurs et acteurs au pays qui, non médiatisés, sont ceux qui luttent le plus durement sur le terrain.

L’avenir est aux multiplexes

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Cependant, comment parler véritablement de cinéma algérien si le public n’est pas au rendez-vous ? Les Algériens ont déserté les cinémas au début des années 1980. Sur 400 salles en 1962, plus de 360 ont ainsi aujourd’hui disparu, la vidéo remplaçant la pellicule. Tous les hommes de cinéma, dont Bedjaoui, en conviennent : l’urgence est à la réhabilitation des salles, ainsi qu’au renforcement d’un réseau de producteurs et de distributeurs. Lyes Salem ne manque d’ailleurs pas de saluer le responsable de Laïth Media, qui a coproduit et distribué son film en Algérie : « Yacine Laloui a fait en sorte de sortir Mascarades dans toutes les grandes villes du pays, ce qui n’était pas arrivé à un film algérien depuis des années. »

À l’heure du DVD, comment réconcilier les Algériens avec le cinéma ? Ahmed Bedjaoui en est convaincu, « l’avenir est aux multiplexes », dont le premier doit ouvrir mi-2009 à Bab Ezzouar, en banlieue d’Alger. D’autres sont en projet à Oran, Sétif et Annaba. 

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