Chasse gardée présidentielle

Avec Abdelaziz Bouteflika et sa longue expérience des Affaires étrangères, la diplomatie algérienne est revenue sur le devant de la scène.

Publié le 24 février 2009 Lecture : 4 minutes.

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1999-2009: Les années Bouteflika

Sommaire

Crise de légitimité du pouvoir après l’interruption par l’armée du processus électoral, en janvier 1992. Insurrection islamiste particulièrement meurtrière. Doutes sur l’identité des auteurs de massacres collectifs, plaçant le pays sous embargo de ventes d’armes. Situation économique catastrophique ayant contraint le Trésor public à se déclarer en cessation de paiements… Les années 1990 ont été particulièrement éprouvantes pour l’Algérie. Ce qui n’a pas été sans conséquences sur sa diplomatie.

Jadis place forte de l’anti-impérialisme et du non-alignement, « Mecque des révolutionnaires » et des mouvements de libération, Alger avait perdu son éclat, et ses diplomates leur aplomb. En se présentant au suffrage universel au début de 1999, Abdelaziz Bouteflika promet, durant la campagne présidentielle, d’y remédier. Deux mandats plus tard, le chef de l’État algérien a réussi son pari. Boudée durant près d’une décennie, Alger a réappris à recevoir des invités de marque, des événements prestigieux et des rencontres déterminantes pour les relations régionales, continentales ou internationales. L’armée algérienne, longtemps suspectée d’être impliquée dans les tueries de villageois, a été réhabilitée aux yeux de ceux qui l’accusaient d’entretenir la violence et d’avoir opté pour l’éradication du phénomène du terrorisme au détriment d’une solution politique en dialoguant avec les islamistes.

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Si les attaques du 11 septembre 2001 ont été l’occasion pour l’armée algérienne de redorer son blason, l’action du président Bouteflika a été déterminante dans ce changement d’attitude. Sa longue expérience diplomatique (il a été ministre des Affaires étrangères de 1963 à 1979), son charisme et son savoir-faire lui ont été d’un grand secours.

Mais, en plus de ces atouts, Abdelaziz Bouteflika a bénéficié, en revenant aux affaires, de deux événements qui l’ont aidé a redoré le blason de la diplomatie algérienne. Le premier est d’ordre continental. Deux ans avant son élection, l’Algérie avait été choisie pour abriter le sommet de feu l’Organisation de l’Union africaine (OUA), en juillet 1999.

Après une traversée du désert de deux décennies, Abdelaziz Bouteflika retrouve une organisation qu’il a vue naître, en 1963, puis grandir au fil des sommets et Conseils des ministres. Et dont il a marqué l’histoire de son empreinte.

Au service du Sud

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À peine élu dans son pays, Bouteflika devient donc président en exercice de l’organisation panafricaine. Une opportunité pour la diplomatie algérienne en quête de son lustre d’antan. Il saisit la balle au bond. Le règlement du conflit territorial entre l’Éthiopie et l’Érythrée se fait en collaboration avec le département d’État américain, une médiation couronnée par la signature de l’accord de paix d’Alger en 2000. Il représente l’Afrique durant le sommet du G8 pour y plaider l’annulation de la dette des pays africains. Son argument ? Malgré une situation financière délicate, l’Algérie a décidé d’annuler pour plus de 1 milliard de dollars de dette au profit de pays subsahariens.

Deuxième événement dont bénéficie l’action diplomatique du président Bouteflika : l’envolée des prix du brut. Une vraie bénédiction pour un pays qui exporte plus de 4 millions de barils par jour (pétrole et gaz confondus). L’Algérie redevient une destination privilégiée pour les investisseurs et pour les responsables politiques d’Europe, d’Asie et d’Amérique.

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Fidèle à ses principes, privilégiant la coopération Sud-Sud, Abdelaziz Bouteflika accorde les marchés les plus rentables aux entreprises de l’hémisphère Sud. La première licence de téléphonie mobile est cédée aux Égyptiens d’Orascom pour 737 millions de dollars. La seconde sera vendue, pour plus de 420 millions de dollars, aux Koweïtiens de Wataniya (voir pp. 78-79). Le gigantesque projet d’autoroute est-ouest est confié à des groupes asiatiques. Quant au contrat (d’un montant de 483 millions de dollars) pour la réalisation de la technopole de Sidi Abdallah, dans la banlieue d’Alger, il vient d’échoir à un consortium sud-coréen, Keangnam Enterprises.

Charisme et domaine réservé

Pour avoir passé l’essentiel de sa carrière politique à la tête des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika estime que la diplomatie est son domaine réservé. Le ministre en charge de ce portefeuille (voir encadré) est un collaborateur privilégié du président, mais pas plus. Les dossiers les plus sensibles sont gérés directement par le palais d’El-Mouradia. Le choix et la nomination des ambassadeurs sont du ressort exclusif du chef de l’État.

D’ailleurs, une de ses premières décisions, à son retour aux affaires, fut l’annexion de la tour qui servait de siège au ministère, rattaché à la présidence de la République. Depuis son départ des Affaires étrangères, en 1979, une vingtaine d’ambassades avaient été fermées pour des raisons budgétaires avec des critères géopolitiques des plus approximatifs. Avant même l’embellie pétrolière, Bouteflika décide de les rouvrir. En outre, les moyens de la chancellerie sont revus à la hausse. En matière de ressources humaines, la formation des diplomates, jadis une exclusivité de l’École nationale d’administration (ENA), dispose désormais d’un institut spécialisé : l’Institut diplomatique et des relations internationales (Idri) est créé, en 2000, et placé sous la tutelle exclusive du ministère des Affaires étrangères.

L’importance de la diaspora et son apport aux efforts de développement ont amené à un renforcement de l’action consulaire et à un redéploiement diplomatique. Cependant, pour une meilleure prise en charge de la communauté algérienne à l’étranger, Abdelaziz Bouteflika a estimé, après mûre réflexion, que sa gestion devait être retirée au ministère des Affaires étrangères au profit de celui de la Solidarité, de Djamel Ould Abbas. L’objectif est double : d’une part, éviter la dispersion des services diplomatiques et, d’autre part, tenter d’organiser et de canaliser les apports de la diaspora dans les efforts de développement.

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