Elizabeth Tchoungui
Présentatrice du Journal de la culture sur France 24, la journaliste franco-camerounaise est une pionnière de la « diversité » à la télévision.
À l’instar de ses confrères antillais Harry Roselmack, présentateur du magazine Sept à huit de TF1, et Audrey Pulvar, présentatrice du 19/20 sur France 3, la journaliste franco-camerounaise est une pionnière de la varappe médiatique. Sans mousqueton ni baudrier, elle a, depuis son premier plateau, en 1997, gravi pas à pas la montagne cathodique française.
Hier présentatrice vedette du journal de la chaîne francophone TV5, Elizabeth Tchoungui est aujourd’hui aux commandes de l’actualité des arts plastiques, de la musique et de la littérature sur France 24, la « CNN à la française » lancée en décembre 2006 par Jacques Chirac, dont elle présente quotidiennement le Journal de la culture. Parallèlement, elle fait partie des « sages » du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Membre, depuis 2007, de la commission « Images de la diversité » au sein du Centre National de la Cinématographie (CNC), elle est tout spécialement chargée de la promotion des minorités dites « visibles ». Un dossier qu’elle connaît bien : les jugements « au faciès », elle en a personnellement fait l’expérience… « Le problème me passait totalement au-dessus de la tête jusqu’à ce que des responsables de grandes chaînes m’expliquent qu’ils prenaient un gros risque en misant sur moi, à cause de ma couleur de peau », confie-t-elle. « Certains ne lui ont pas facilité la tâche, témoigne son ami Arnaud Ngatcha, conseiller à la direction des sports de Canal+. Mais elle a toujours refusé les compromis. »
Cette intransigeance explique sans doute qu’Elizabeth Tchoungui ait, aujourd’hui encore, du mal à s’imposer au plus haut niveau, alors qu’elle écume depuis huit ans les chaînes du groupe France Télévisions. « Elle est sous-employée », confirme un autre de ses proches, qui fustige les « pesanteurs » de la télé publique.
La journaliste a quand même été, en France, l’une des premières présentatrices noires, grâce au coup de pouce de quelques « bonnes fées » qui ont cru en elle, comme Marie-Christine Saragosse, la directrice de TV5 Monde, ou Patrick de Carolis, l’actuel président de France Télévisions. Reste, bien sûr, que rien n’aurait été possible sans son travail et sa persévérance…
Elizabeth Tchoungui a eu une enfance privilégiée. Née en 1974 à Washington, elle a grandi avec ses deux sœurs entre une mère (française) professeure de mathématiques et un père (camerounais) diplomate, tour à tour ambassadeur aux États-Unis, en Italie et en Belgique. Son éducation ? Classique, forcément classique. Ses livres de chevet ? Le Grand Meaulnes, d’Alain Fournier, et Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire.
À la maison, ses parents reçoivent fréquemment artistes et hommes politiques. Au dîner, on commente interminablement l’actualité du monde… Brillante élève, Elizabeth n’a que 16 ans quand elle obtient son bac C, en 1990, à Yaoundé, où ses parents ont fini par revenir se poser…
Passionnée d’urbanisme, la jeune fille s’oriente pourtant vers le journalisme. « J’avais besoin d’un travail où l’on manie les idées », explique-t-elle. Elle est fascinée par l’impact de la télévision en Afrique, mais, pour apprendre son métier, choisit de s’installer dans sa seconde patrie, la France, où vivent ses grands-parents maternels.
Après l’obtention d’un Deug au Celsa, l’école de communication de la Sorbonne, elle intègre en 1993 l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, la plus prestigieuse, où elle reste deux ans. Simultanément, elle collabore au magazine féminin Élite Madame, dirigé par Emmanuelle Pontié, puis au quotidien Nord-Éclair, où elle tient la chronique judiciaire.
Mais c’est à la télévision qu’Elizabeth trouve son premier job. En 1995, à 21 ans, elle est embauchée pour six mois au service politique de TF1. L’expérience n’est malheureusement pas très concluante. « J’étais confrontée aux poids lourds de l’information, mes sujets étaient régulièrement refusés, je n’ai pas pu m’imposer », se souvient-elle. De fait, son CDD n’est pas renouvelé. « Élevée dans la méritocratie, je pensais naïvement que seul le travail comptait », commente-t-elle, non sans une pointe d’amertume. Il est vrai que jeune, noire et femme, elle cumule les handicaps.
De nouveau « pigiste », Elizabeth vend, deux ans durant, ses reportages sur des faits de société à M6 et La Cinquième – la future France 5. En 1997, elle répond à une annonce de Canal J, une chaîne du câble pour les enfants, qui recherche une présentatrice pour son journal quotidien. Et là, miracle : Ève Baron, la directrice de Canal J, est convaincue qu’une peau colorée constitue un atout. Pour la première fois, Elizabeth Tchoungui va donc animer un plateau : « Il fallait vulgariser au maximum, c’était passionnant. »
Hélas, en juin 1999, le journal de Canal J s’arrête. La journaliste rejoint alors France 2, où elle coanime brièvement avec Jérôme Commandeur un magazine pour adolescents, Rince ta baignoire. C’est alors que la direction de France 3 lui propose de réfléchir au lancement d’un journal destiné au jeune public de la chaîne. Mais Elizabeth refuse, de peur, dit-elle, de « m’enfermer dans le rôle d’animatrice d’émissions pour enfants ».
Elle regrette d’autant moins sa décision que les offres affluent. C’est d’abord La Cinquième qui la convainc de présenter Les Écrans du savoir, un magazine hebdomadaire de culture générale et de vulgarisation scientifique. En 2000, TV5 l’approche à son tour et lui propose de présenter son JT.
« La dimension africaine de la chaîne m’a tout de suite attirée. Enfin, j’allais pouvoir donner une autre image du continent », commente-t-elle. L’aventure dure cinq ans. Parallèlement, la jeune femme présente le magazine culturel Ubik, sur France 5.
En août 2006, elle franchit un nouveau palier. La direction de France 24, qui, à l’époque, est en train de constituer sa rédaction, lui propose d’assurer la direction et la présentation du journal culturel de la chaîne. Patrick de Carolis, qui veut la garder sur le service public, la convainc également de participer à une autre émission culturelle, aujourd’hui disparue : Esprit libre, de Guillaume Durand.
La Franco-Camerounaise, qui défend farouchement sa vie privée, continue de revendiquer une « grande timidité » et le fait de cultiver peu de relations dans le milieu de l’audiovisuel. « Il n’est pas impossible qu’elle le paie un jour », s’inquiète un proche. Pour l’heure, Elizabeth Tchoungui ne s’en soucie guère. Toutes ses pensées sont accaparées par ses deux « bébés » : son premier enfant, né en décembre 2008, et son deuxième roman, qu’elle publiera au mois de septembre chez Plon, mais dont le titre est encore un secret…
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