Les malheurs d’un « opposant constructif »

Il avait cru Kadhafi en 1988 quand celui-ci avait promis la clémence aux dissidents en exil qui rentreraient. Bien mal lui en a pris.

Publié le 24 février 2009 Lecture : 2 minutes.

Avocat, défenseur des droits de l’homme, Jomaa Attiga, 58 ans, se définit comme un « opposant constructif ». Pourtant, depuis qu’il est rentré d’exil à la demande de Mouammar Kadhafi, il y a plus de vingt ans, il n’a cessé d’avoir des déboires avec les durs du régime. Dernier en date : son arrestation, le 31 janvier, sur ordre de Mohamed Misurati, procureur général de Tripoli. Attiga n’a dû sa libération, quinze jours plus tard, qu’à l’intervention de Seif el-Islam Kadhafi, le fils du « Guide », qui a pesé de tout son poids en sa faveur.

Tout a commencé en 1978. Les Comités révolutionnaires nouvellement créés s’étaient mis à emprisonner ou à exécuter tous les opposants. Un déni de droit insupportable pour Attiga, jeune procureur stagiaire et fraîchement diplômé en droit de l’université de Benghazi. Des milliers de Libyens choisissent l’exil. Attiga s’installe à Rome, il décroche un doctorat en droit pénal international, après quoi il part enseigner en Irak, où il rédige un ouvrage sur la protection des détenus en droit international. En 1988, Kadhafi décide de desserrer l’étau et, sur l’honneur, promet l’aman à ceux qui rentreraient. Attiga est l’un de ceux qui le prennent au mot. Il rentre à Tripoli et ouvre un cabinet d’avocats. Trois ans plus tard, en 1991, et malgré la promesse de Kadhafi, il est arrêté. On le soupçonne d’avoir fait partie d’un mouvement qui aurait un lien avec l’assassinat, en 1984, de l’ambassadeur de Libye à Rome, Amar Dhaou (un meurtre à ce jour non élucidé). La justice le relaxe, mais il est arbitrairement maintenu en prison pendant sept ans. Libéré en 1998, il se voit proposer par Seif le poste de secrétaire général de l’Association libyenne des droits de l’homme créée par la Fondation Kadhafi, dont Seif est le président. À ce poste de 1999 à 2007, Attiga contribue à l’amélioration des conditions de détention dans les geôles libyennes et à la libération d’un millier de prisonniers politiques. Des dossiers s’ouvrent, notamment pour faire la lumière sur la répression d’une mutinerie à la prison d’Abou Salim en 1996 qui aurait fait, selon l’opposition, 1 200 morts ou disparus. Amnesty International, Human Rights Watch et la Croix-Rouge sont autorisés à visiter les prisons.

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Pour des raisons de santé, mais aussi, dit-on, parce que des éléments des Comités révolutionnaires lui mettaient des bâtons dans les roues, notamment à propos du dossier d’Abou Salim, Attiga démissionne en 2007 pour se consacrer à son cabinet d’avocats. Le jour de son arrestation, le 31 janvier, un opposant en exil écrit qu’il est plus dangereux de se réconcilier avec Kadhafi que de lui faire la guerre. Attiga, lui, se fend d’une lettre au « Guide » où on peut lire : « J’étais loin de m’imaginer en 1988, quand, faisant confiance à votre parole, j’ai répondu à votre appel, que j’allais subir autant d’avanies… »

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