Le destin arabe est-il scellé ?

Ex-secrétaire général de la Ligue des États arabes

Publié le 24 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Avec la désunion des États du Proche-Orient – dont les indices les plus voyants sont la fracture de l’OLP et, tout récemment, la collision de deux sommets en compétition, à Doha et au Koweït –, le monde arabe a besoin, dit-on, d’un puissant leadership pour rapprocher les objectifs de ses membres et coordonner leurs actions. C’est vrai, mais non pas nécessairement sous la férule d’un grand leader. Le monde arabe a besoin d’abord d’idées efficientes, de programmes d’action répondant à ses besoins et, bien sûr, d’une volonté politique commune pour les réaliser. Ce consensus ne doit pas être obtenu par la contrainte. Il ne faut pas qu’il soit imposé par un pays à tous les autres. Réussir à organiser une telle démarche consensuelle n’est pas l’affaire d’un grand leader qui en imposerait à ses pairs – l’on sait où cela peut mener. Cette volonté politique commune doit résulter de convictions librement partagées.

Aujourd’hui, nous nous trompons de combat quand nous pensons que tous nos maux viennent de l’étranger et que notre faiblesse grandissante est comme fomentée par une conspiration d’intérêts impérialistes. Ce sont nos sociétés qu’il nous faut libérer d’ennemis intérieurs intimement ancrés en elles : ces structures mentales – dénoncées jadis par Bourguiba – que les siècles de décadence avaient enracinées en nous, et qui ont fini par générer des structures sociales qui empêchent le renouvellement, ne favorisent guère le progrès et étouffent l’essor de la raison. En un mot, c’est le sous-développement généralisé, dont les métastases ont altéré nos activités culturelles, sociales et économiques.

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Depuis, le développement de nos sociétés est resté largement entravé par cette dramatique alternative : ou bien donner la priorité au développement, source de progrès et de puissance, au risque de négliger momentanément « la cause sacrée », ou bien s’obstiner à soutenir un combat inégal, perdu d’avance.

Cette impossibilité de faire, ensemble, le bon choix est à l’origine des divisions qui ont déchiré cette région du monde arabe, locomotive de toute action et source de toute initiative. Tout est-il – et à jamais – perdu ? Le spectacle des agitations pathétiques des voisins d’Israël pourrait incliner à le croire. Je pense que les jeux ne sont jamais faits et que des hommes de bonne volonté peuvent toujours surgir pour inverser ce processus de déclin. L’espoir est qu’un pays hautement stratégique de cette région ait le courage de casser l’alternative paralysante, en appelant à considérer les actions de développement interarabe comme les prémices nécessaires du combat légitime pour la liberté, la dignité et une identité arabo-islamique pérenne, parce qu’à la fois authentique et en constant renouvellement.

Ces deux dimensions du destin arabe – le combat pour la liberté et le « grand djihad » pour le développement – avaient été clairement perçues par Nasser, qui a, pour des raisons bien spécifiques, échoué dans sa tentative d’œuvrer pour le renouveau du monde arabe. Mais il a eu le mérite de comprendre qu’il s’agissait de deux démarches convergentes qui doivent être menées conjointement pour que nos sociétés prennent leur élan. Tous nos pays, y compris les pays riches, ont intérêt à l’essor d’une action commune de développement. C’est le seul moyen de garantir l’avenir du monde arabe et de lui donner un poids qui compte et une voix qu’on écoute. Ceux qui sont voisins d’Israël ne doivent pas se tromper de combat : ce n’est pas uniquement, ni même principalement, dans le traitement des questions ponctuelles qu’Israël s’ingénie à créer chaque jour qu’ils peuvent répondre à l’appel de leur destin. Le problème crucial est le développement. Et c’est de la continuité et de la rigueur de leurs efforts de développement que dépendra leur commun destin.

Pour une somme de raisons et de facteurs divers, je pense que l’Égypte est encore la mieux placée pour conduire une telle action. Ce pays a été une sorte de matrice pour le reste des pays arabes en ce qui concerne la culture, les efforts de renouveau, l’action politique. Il a surtout grand intérêt à l’essor d’une action commune de développement pour sortir de la situation sociale et économique où il se trouve. Et, n’en doutons pas, ce que sera la région, dans quelques décennies, c’est l’Égypte qui en aura donné l’exemple. L’Histoire l’a montré de diverses façons : tout combat, quel qu’en soit l’enjeu, doit, pour avoir des chances d’aboutir, prendre son point d’appui en Égypte. Secondée peut-être, pour cette action, par une troïka dynamique pour en dégager les grands axes, présider à sa planification rationnelle et, éventuellement, tenir des mains rétives à l’appliquer.

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