Charles Pasqua

Ancien ministre français de l’Intérieur

Publié le 25 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Dans le second tome de vos mémoires, que vous venez de publier (Ce que je sais, Le Seuil), vous évoquez votre « fibre africaine ». D’où vous vient-elle ?

Charles Pasqua : Ma vie politique a commencé avec le général de Gaulle et je n’oublie pas que, sous la France libre, la République était en Afrique. Je me rappelle aussi que 170 000 soldats d’Afrique du Nord et d’Afrique noire ont débarqué le 15 août 1944 en métropole avec les troupes de libération. J’y ai participé. Je trouve d’ailleurs qu’on n’a pas été suffisamment reconnaissant envers eux et leur sacrifice. C’est vrai que je me sens bien quand je suis avec les Africains et eux aussi avec moi.

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Vous avez été un ministre de l’Intérieur très actif en Afrique. Dans quelle intention ?

Pour veiller à la défense des intérêts français, et aussi pour protéger les pays d’Afrique contre les tentatives de déstabilisation dont j’étais le premier informé Place Beauvau. Ainsi, en février 1988, au Sénégal, où le président Abdou Diouf affrontait des émeutes assez sévères. Il m’avait demandé de lui envoyer en renfort quelques… spécialistes, ce que j’avais fait. Me trouvant de passage à Dakar, je lui ai conseillé de rencontrer le principal organisateur des manifestations, un avocat du nom d’Abdoulaye Wade. « C’est impossible, il est en prison – Et bien, libérez-le et mettez-le au gouvernement dans un cabinet d’union nationale. – Vous croyez qu’il acceptera ? – Avez-vous déjà vu quelqu’un qui est en prison et qui refuse d’en sortir ? » Il en est sorti et il est devenu président du Sénégal en avril 2000. C’est également sur mes conseils qu’au Gabon Paul Mba Abessole est passé des geôles au pouvoir avec rang de vice-Premier ministre.

Bongo, écrivez-vous, vous considérait comme un frère. Lui le Batéké corse, vous le Corse batéké…

Aujourd’hui encore, je suis étonné par sa clairvoyance et sa capacité à trouver des solutions de compromis. Il est le plus fin de tous les dirigeants africains.

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On vous a toujours soupçonné de mener en Afrique une diplomatie parallèle teintée d’affairisme…

Ceux qui me connaissent savent que je n’ai jamais fait aucune affaire avec les dirigeants que je rencontrais. Je ne suis pas un homme d’argent. Comment aurais-je pu empêcher des chefs d’État de me rencontrer ou de me recevoir ? Ils considéraient que dans les gouvernements auxquels j’appartenais, j’étais le seul à incarner ce que le gaullisme avait toujours représenté pour eux. Et c’est vrai que j’étais plus que d’autres sensible à leurs problèmes et à leurs difficultés. Pour autant ce n’était pas à moi de les résoudre. Je ne pouvais qu’écouter mes visiteurs et les faire profiter de mon expérience. Ce n’était pas ma faute s’ils avaient davantage envie de me voir que d’autres responsables, pour eux, plus lointains. J’ajoute qu’après chaque rencontre, le conseiller diplomatique de mon cabinet rendait compte à son administration.

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Comment avez-vous réagi à l’éviction de Jean-Marie Bockel du secrétariat d’État à la Coopération après sa dénonciation des dérives de la « Françafrique » ?

Jean-Marie Bockel a repris à son compte le langage de tous ceux qui voient dans la solidarité africaine une sorte de gigantesque système de corruption. Ce n’est pas la réalité. Si certains ont pu alimenter ce procès, il est scandaleux de vouloir le généraliser. On verra bien à terme ce qu’il adviendra entre nos pays d’une aussi longue et affectueuse amitié quand on aura laissé les élites africaines partir se former dans les universités américaines.

Que pensez-vous du fameux discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007 ?

Je trouve qu’on a été sévère avec lui. Il a compris l’intérêt pour la France de s’appuyer sur ces pays d’Afrique dont le poids politique, économique et aussi culturel est un élément d’équilibre dans les relations internationales de la France. Il serait bon aussi que notre diplomatie cesse de prétendre donner des leçons au monde entier, selon sa chère tentation…

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