Sarkozy, l’homme pressé
Le président français effectuera le mois prochain une visite éclair sur le continent. Il fera successivement étape à Kinshasa, Brazzaville et Niamey. Trois pays visités en trente-six heures !
C’est une constante. Quand il voyage, Nicolas Sarkozy aime bien rentrer à la maison pour dormir. Le 26 mars, sauf imprévu, il partira de bon matin pour Kinshasa. Il passera la nuit sur la rive d’en face, à Brazzaville. Et le lendemain, après une étape à Niamey, il sera de retour à Paris dans la soirée. Trois pays en trente-six heures… Difficile de faire plus court ! Omar Bongo Ondimba s’en souvient encore. Le 27 juillet 2007 à Libreville, le président français avait trouvé que le dîner officiel traînait un peu et avait lâché au micro : « Malheureusement le temps presse. Nous avons un avion à prendre pour Paris. » Un instant, les centaines de convives du Palais du bord de mer s’étaient arrêtées de respirer…
Cette fois-ci, la nouveauté, c’est que la diplomatie française sort des sentiers battus. Bien sûr, la visite au Congo-Brazzaville sera un classique. Nicolas Sarkozy y retrouvera son ami de toujours, Denis Sassou Nguesso, avec qui il multiplie les rencontres dans les grands hôtels parisiens depuis quinze ans. Mais dans ce pays pétrolier, on vote en juillet prochain, et le discours que le chef de l’État français prononcera sur la transparence et la bonne gouvernance ne manquera pas d’intérêt. Pour Sarkozy, tout l’art sera d’essayer de convaincre qu’il n’est pas en campagne pour Sassou et que les jeux ne sont pas faits d’avance…
Calmer le jeu
Le clou de la tournée sera l’étape dans l’autre Congo, chez Joseph Kabila. Aucun président français n’y a mis les pieds depuis… François Mitterrand en 1984. Pourtant, le projet de visite à Kinshasa a failli tourner court à cause de quelques mots malheureux. Le 16 janvier à l’Élysée, lors de ses vœux au corps diplomatique, le président français a comparé le Rwanda « à la démographie dynamique et à la superficie petite » à la République démocratique du Congo « à la superficie immense », et a proposé un « partage de l’espace et des richesses ». Réaction immédiate de la presse congolaise : « Sarkozy veut dépecer la RDC », « Sarko le Rwandais »…
Pour calmer le jeu, le président français vient d’accorder une interview à cinq journaux de Kinshasa. En réalité, il n’a pris ni le temps de recevoir ni les moyens d’inviter nos confrères à l’Élysée. Le temps, toujours le temps ! Les questions et les réponses sont écrites. Mais il affirme que la souveraineté de la RDC et l’intangibilité de ses frontières sont « des principes sacrés » et lance : « Mais pourquoi me parlez-vous de démembrement ? Ai-je jamais dit une telle chose, si contraire aux positions constantes de la France ? » Le 26 mars, sans doute devant tous les députés et sénateurs réunis en congrès au Palais du peuple de Kinshasa, il lancera un appel en faveur d’un grand marché commun de l’Afrique centrale.
La dernière étape au Niger tombe à pic. Pas de gros contentieux. Les négociations sur l’uranium viennent d’aboutir. La société française Areva peut enfin exploiter le gisement d’Imouraren. A priori, pas de piège politique non plus. Pour l’instant, le président Tandja n’essaie pas de modifier la Constitution pour se représenter à la fin de l’année. Surtout, le Niger est le théâtre d’une compétition acharnée entre Chinois et Français, et Nicolas Sarkozy pourrait bien s’exprimer là-dessus. Comme au Cap l’an dernier, il va sans doute plaider à Niamey pour un nouveau partenariat franco-africain fondé sur des relations « décomplexées ». Réflexion de l’un de ses proches : « Il n’y a pas de raison que les Chinois puissent aller creuser dans les mines et pas nous ! La France a des valeurs. Non seulement elle n’a pas à cacher ses intérêts, mais elle peut y mettre quelque chose de plus. »
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