Courrier des lecteurs

Publié le 18 février 2009 Lecture : 5 minutes.

Shimon Pérès trahit le Nobel

– En janvier 1897, un an après sa mort, on apprit qu’Alfred Nobel, l’inventeur de la dynamite, avait légué la majeure partie de sa fortune à un fonds dont les revenus serviraient à récompenser les personnes ou les institutions qui, chaque année, auraient rendu à l’humanité les plus grands services. Dans son testament, Nobel précise que le prix de la Paix sera remis à la personnalité qui aura « le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des congrès pacifistes ».

la suite après cette publicité

En 1994 et à titre exceptionnel, trois personnes se sont partagé le prix Nobel de la paix pour leurs efforts et leur détermination pour instaurer et consolider la paix au Moyen-Orient : Yitzhak Rabin, Yasser Arafat et Shimon Pérès. Mais ce dernier s’est déplacé à Davos avec la ferme intention de justifier le massacre de quelque 500 femmes et enfants dans un forum non approprié pour ce genre de débats, provoquant le départ digne et spectaculaire du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. En se comportant d’une manière intempestive et irrationnelle et en encourageant la politique belliciste d’Israël, Pérès s’est discrédité et a trahi la lettre et l’esprit du testament de Nobel. Le Comité Nobel doit donc prendre la décision qui s’impose : retirer à Shimon Pérès le prix Nobel qu’il lui a décerné en 1994. Il y va de sa crédibilité et de son prestige.

Abderrazak Essaied, Tunis, Tunisie

Benoît XVI : compromis ou compromission ?

– La chancelière allemande, Angela Merkel, a demandé au pape Benoît XVI une clarification à la suite de l’annulation de l’excommunication d’un évêque négationniste. La décision du pape se justifie par l’impératif d’unité et de réconciliation au sein de l’Église catholique romaine. Une démarche conforme, donc, au rôle de chef de l’Église. Mais la demande de clarification est nécessaire et une réponse, moins sèche que celle qu’a donnée le Vatican, serait salutaire. Le négationnisme se réfère à la Shoah, mais il s’applique aussi à la traite négrière, ne serait-ce que par la manipulation du nombre de déportés d’Afrique vers les Amériques. Les Juifs et les Noirs constituent les deux grands peuples de diaspora forcée.

la suite après cette publicité

Pour le catholique africain que je suis, toutes les tendances négationnistes sont dangereuses, car elles suscitent la rancœur des victimes. À mon sens, la réconciliation au sein de l’Église ne peut se faire au détriment de la vérité, et l’Église elle-même accompagne toujours le sacrement de réconciliation – nouveau nom de la confession – d’un acte de contrition, avant que l’absolution soit accordée. La doctrine de l’Église enseigne aussi que le pardon est accordé au pécheur qui se repent. Le compromis papal risque donc de devenir compromission, car, à ce jour, les intégristes lefebvristes n’ont pas exprimé leur regret ni, d’ailleurs, leur sincère adhésion à Vatican II.

Cyprien Kibangou, Abidjan, Côte d’Ivoire

la suite après cette publicité

Gare à l’afro-pessimisme

– Dans un article paru dans le J.A. n° 2504 et intitulé « L’énigme Tandja », l’auteur laisse entendre que le président nigérien Mamadou Tandja ne s’est pas encore prononcé sur une éventuelle modification de la Constitution qui lui permettrait de prolonger son règne à la tête du pays au terme de son deuxième mandat légal. Je souhaite rappeler que lors d’un entretien au quotidien français Le Monde, publié en octobre 2007, Tandja avait expressément et clairement affirmé : « Je suis un démocrate et je me retirerai comme prévu [en novembre 2009, NDLR]. Je servirai mon pays autrement. » On ne peut mieux dire ! Le débat qui se déroule actuellement au sein de l’opinion nationale ne fait que suivre l’idéal démocratique et les aspirations légitimes d’une partie des citoyens, et le président Tandja, garant de la nation, n’a pas le droit d’intervenir, même si ça le concerne au premier chef. Les règles du jeu démocratiques sont claires en ce sens. À ce sujet, il y a lieu de déplorer l’afro-pessimisme dans lequel s’enlise inexorablement une partie de l’opinion publique internationale à chaque fois qu’il est question de la capacité de nos pays à assurer une véritable alternance démocratique. Certes, l’histoire de la jeune démocratie africaine n’incite pas à l’optimisme. Mais il y a un risque énorme à vouloir généraliser des errements spécifiques à quelques nations.

Aboubacar Yacouba Barma, Université Hassan-II-Mohammedia, Casablanca, Maroc

Congolais comme les autres

– Je suis un Congolais de la République démocratique du Congo (RDC). Si je dois préciser mon ethnie, je suis « mukongo congolais ». Mais c’est inutile, car je ne suis pas un Congolais spécial, plutôt un Congolais comme les autres. Que les médias cessent donc de nommer les réfugiés tutsis de « Tutsis congolais »… Cette « nationalité » n’existe pas. Et que dire des Hutus ? Pourquoi les médias n’osent-ils pas les nommer « Hutus congolais » ? Non. Eux, ce sont des Interahamwes, pour plaire aux Tutsis, qui pensent que tous les Hutus sont des génocidaires…

Avant, les Tutsis de RD Congo étaient nommés « banyamulenge »… Or Mulenge est le nom d’une contrée du Kivu. Par quel tour de magie Mulenge est-il devenu le nom d’une ethnie pour des réfugiés venus au Congo en 1959, à la suite des tensions ethniques entre Hutus et Tutsis au Rwanda ? Maintenant, ils ne sont plus « banyamulenge » mais « tutsis congolais ». Certains disent même qu’ils sont « congolais rwandophones »… C’est une nouvelle nationalité ?

Ntombo Musimu Bianda, par courriel

Davantage de dignité pour la France d’outre-mer !

– Depuis plus de quatre semaines un mouvement social s’abat sur la France. Non pas en France hexagonale, mais dans les départements d’outre-mer que sont la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. La population, représentée par les syndicats de travailleurs, les associations et les partis politiques locaux, manifeste avec beaucoup d’ardeur ses revendications. Des négociations sont en cours mais, comme elles semblent stagner, cela mobilise encore plus de personnes, toutes classes socioprofessionnelles et générations confondues…

J’habite la Martinique et me dois de vous contacter pour vous demander qu’éventuellement J.A. « touche un mot » de ce qui se passe ici, sans qu’on stigmatise les populations locales et qu’on entende à nouveau : « Ah ! Encore des gens de couleur qui quémandent les deniers de la République… » Car l’information à l’extérieur est plus que déformée.

Les médias nationaux ne parlant que des gens qui réclament plus d’argent, des stations-essence ou des magasins bloqués et des opérations escargot, ma famille s’inquiète pour moi et mes enfants… Eh bien non, ce n’est pas du tout ce qui se passe ici. Ici, il n’y a pas de violence. Presque tous les Martiniquais et Guadeloupéens vibrent à la même fréquence pour revendiquer plus de dignité et d’égalité, et pour dénoncer la « cherté de la vie », la misère, la discrimination raciale subie par les Antillais descendants d’esclaves africains, mais aussi le « génocide par substitution » (terme employé par Aimé Césaire) qui a eu lieu dans les années 1960 et 1970.

Nora Kouadri, Les Anses d’Arlet, Martinique

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires