Kadhafi : J.A. est-il allé trop loin ?

Certains lecteurs n’ont pas apprécié la façon dont nous avons présenté l’accession du « Guide » libyen à la présidence de l’Union africaine.

Publié le 18 février 2009 Lecture : 3 minutes.

« J’ai été profondément déçu »

– Je me permets d’exprimer ma profonde consternation à la vue de la une du n° 2509 de notre cher journal. Certes, la liberté de la presse est un principe démocratique sacré visant à garantir la libre expression des journalistes. Mais B.B.Y., en tant qu’éditorialiste de J.A. – journal qui, pour nous, Africains de l’intérieur, représente plus qu’un journal (c’est le flambeau de l’Afrique dans le monde de la presse écrite) –, devrait faire un usage modéré de cette liberté d’expression non seulement pour le respect des lecteurs, mais aussi eu égard à son âge, car la sagesse vient avec la maturité !

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J.A. peut avoir son opinion sur Kadhafi, c’est son droit le plus absolu, mais publier une image qui exprime la terreur, la haine et la colère à la une m’a personnellement inquiété. Au point que je me suis demandé quelle était la raison d’une telle haine à l’égard de Kadhafi. B.B.Y. est un aîné que nous admirons pour son combat et sa détermination pour une nouvelle Afrique. Mais il m’a profondément déçu, quelles que soient les raisons de son aversion pour Kadhafi. Car personne n’a consenti autant d’efforts que ce dernier pour faire de l’unité africaine une réalité.

Issifou Dado Doko, Sikasso, Mali

AntiKadhafisme primaire

– J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le dossier que J.A. (n° 2509) a consacré à l’élection de Kadhafi à la tête de l’Union africaine. Je suis d’accord sur le fond de sa position éditoriale, à savoir que Kadhafi à la tête de l’UA, c’est loin d’être une bonne nouvelle pour le continent. Seulement, je trouve que J.A. est allé trop loin dans son antiKadhafisme. Cela commence par un titre alarmiste – « Au secours, Kadhafi arrive ! » –, agrémenté d’une photo exécrable de l’homme, laquelle n’a pas été choisie au hasard. Puis cela se poursuit par des prises de position extrémistes. François Soudan, le directeur de la rédaction, va jusqu’à affirmer, sans nous montrer les résultats de son sondage ou de son référendum, que « s’il est un peuple qui ne souhaitait pas cet honneur, c’est le peuple libyen lui-même ». Le directeur de la publication, Béchir Ben Yahmed, va plus loin dans le détail, mais ses arguments pourraient bien s’appliquer à d’autres dictateurs du continent qui sont pourtant régulièrement célébrés par J.A. Quant au bonheur des peuples, je mets aussi un bémol au jugement sévère de J.A. En Libye, j’ai pu voir que l’école et la santé ne sont pas à l’agonie et que les soins sont gratuits parce que supportés par l’État. Rien à voir avec les mouroirs payants qu’on nomme hôpitaux à Yaoundé et à Libreville, malgré le marketing enjoliveur des premières dames.

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Emmanuel Gustave Samnick, Journaliste, Yaoundé, Cameroun

Un « dictateur bâtisseur »

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– Je ne partage pas le jugement de J.A. sur Kadhafi. Je préfère un dictateur bâtisseur à un démocrate corrompu qui ne fait rien pour son pays. Je vois à travers J.A. les grandes réalisations que Kadhafi a faites pour la Libye. Je pense que J.A. est très, très dur à son égard.

Souleymane Diakité, Abidjan, Côte d’Ivoire

Commentaire

Dans la Libye de Kadhafi, comme vous le savez, il n’y a ni élections (même truquées), ni opposition (même domestiquée), ni Constitution (même tripatouillée), ni liberté d’expression, ni société civile, ni la moindre possibilité pour le peuple de demander le moindre compte sur l’utilisation par le clan au pouvoir de la rente pétrolière.

Si vous estimez malgré tout que le « Guide » inamovible de ce pays est digne de représenter l’Afrique du XXIe siècle ; si vous pensez que ce « bâtisseur » et les centaines de milliards de dollars dont il a disposé ont érigé un système de santé – cruellement mis au jour par le scandale des infirmières bulgares – convenable et un système éducatif capable de produire des cadres en mesure de gérer une économie moderne, alors vous avez raison et nous avons tort.

Deux précisions tout de même : il n’y a de notre part ni haine ni acharnement à l’égard du personnage, mais le simple constat de son bilan après quatre décennies de pouvoir absolu. Quant à la photo de couverture, elle n’a aucunement été choisie pour « faire peur ». Tous ceux qui ont vu Kadhafi lors du sommet d’Addis l’y reconnaissent tel qu’il est aujourd’hui.

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