Loin des clichés
Le Sud-Africain Guy Tillim présente, jusqu’au 19 avril à Paris, une image de l’Afrique peu classique.
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Des murs sales, des fenêtres, des piliers, des escaliers, des couloirs, et puis, de temps en temps, une silhouette furtive ou l’empreinte discrète d’une présence : un sac à main sur un bureau, des ustensiles de cuisine bien rangés sur une étagère de fortune. Exposé jusqu’au 19 avril à la Fondation Henri-Cartier-Bresson (Paris), le photographe sud-africain Guy Tillim fuit le spectaculaire.
Impossible de trouver dans ses œuvres les couleurs tranchantes si souvent associées à l’Afrique – rouge des couchers de soleil, ocre de la terre, bleu du ciel. Ses deux projets présentés actuellement, « Jo’burg » et « Avenue Patrice-Lumumba », sont consacrés respectivement à des immeubles du centre-ville de Johannesburg et à des bâtiments choisis en arpentant des rues baptisées du nom de Patrice Lumumba, dans les différents pays d’Afrique visités par Tillim.
Les tirages, où dominent les beiges et les gris, laissent entrevoir des fantômes enfermés dans des pièces austères, trop grandes pour eux. La peinture s’écaille, les fils électriques courent à nu le long des murs. Certains ne manqueront pas de voir dans cette décrépitude la métaphore de sociétés inégalitaires.
Lui s’inscrit en faux. S’il a choisi ces couleurs ternes et « équilibrées », c’est « parce qu’il est très difficile de prendre des photos quand les couleurs sont trop contrastées ». Et non, il n’a jamais eu d’intention politique en montrant la déconfiture des grands ensembles architecturaux construits dans des périodes d’euphorie : « Ce sont des bâtiments, et rien d’autre. Je n’ai pas voulu en faire les métaphores de la condition africaine. Je ne juge pas. Je souhaite seulement montrer une réalité hybride. »
Sa démarche, rétive à l’événementiel comme à l’anecdotique, se veut d’une humilité totale. Ce souci explique pourquoi les personnes qui apparaissent dans ses photos ne sont jamais mises au premier plan – au sens figuré du terme. « Je n’ai pas la prétention de connaître les gens. Je ne sais pas qui ils sont, c’est pourquoi je ne veux pas les placer en position d’icône. »
Que cherche-t-il donc en explorant des lieux qui ne remplissent plus les fonctions pour lesquelles ils ont été conçus mais qui, une fois réinvestis, vivent une seconde existence ? « J’essaie de me situer moi-même, affirme-t-il. Et puis se réconcilier avec son architecture, c’est un peu se réconcilier avec son passé. » À l’envi, il rappelle que c’est la pratique de la photographie qui l’a aidé, lui le Blanc sud-africain, « à découvrir ce qui se passait de l’autre côté de la frontière raciale ». Aujourd’hui, son regard est celui d’un homme s’interrogeant sur le présent de l’Afrique et sur son identité d’Africain. Sa quête est loin d’être terminée…
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