Du côté des Suisses

Longtemps réduite à un statut provincial, la littérature helvé­tique sort enfin de ses frontières.

Publié le 18 février 2009 Lecture : 2 minutes.

Peut-on parler de littérature suisse ? On hésite à répondre par l’affirmative si l’on considère la fracture linguistique de la Confédération helvétique. Pour ce qui est des écrivains de langue allemande, leur notoriété a longtemps été circonscrite aux cantons alémaniques. Leur œuvre se limitait bien souvent, il est vrai, aux récits légendaires et à la description de la vie campagnarde. Il faudra attendre le milieu du XXe siècle pour qu’émergent sur le plan international quelques auteurs plus ambitieux au premier rang desquels Friedrich Dürrenmatt, Max Frisch et Fritz Zorn (connu pour un seul livre, mais un chef-d’œuvre, Mars, paru en français en 1979).

Preuve que la Suisse ne manque pas de plumes germanophones, plusieurs auteurs se sont fait remarquer hors de leurs frontières ces derniers mois. Actes Sud vient de sortir Le Rassemblement de soi, recueil de textes autobiographiques de Paul Nizon, tandis que Grasset a publié Melnitz, où Charles Lewinsky retrace la saga d’une famille de juifs suisses de 1871 à 1945.

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Du côté romand, la production littéraire a toujours eu du mal à se différencier de celle de la France. Elle s’est affirmée au XXe siècle à travers des auteurs ancrés dans leur terroir comme Charles-Ferdinand Ramuz (dont l’œuvre est disponible dans la « Pléiade ») et Maurice Chappaz, décédé le 15 janvier dernier, mais aussi grâce à deux célèbres écrivains aventuriers : Blaise Cendrars et Nicolas Bouvier, dont L’Usage du monde est un livre culte pour les amateurs de littérature de voyage.

Le plus connu, le plus prolifique aussi, des romanciers romands actuels est sans conteste Jacques Chessex, qui publie au moins un livre par an depuis quatre décennies. L’un des premiers, L’Ogre, lui a valu le prix Goncourt en 1973.

Après avoir fait de la transgression sexuelle un thème dominant de son œuvre, cet écrivain né en 1934 près de Lausanne s’est tourné vers le mysticisme et la religion. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à explorer la face sombre de la société vaudoise en s’emparant de faits divers nauséeux. Dans la foulée du Vampire de Ropraz, sombre histoire de profanations de sépultures dans le Jura du début du XXe siècle, paru chez Grasset en 2008, il publie aujourd’hui chez le même éditeur Un Juif pour l’exemple. En 1942, une poignée de nazis locaux entraînent un marchand de bestiaux israélite dans un guet-apens avant de le tuer et de le dépecer comme un animal de boucherie.

En rappelant cet épisode honteux pour ses compatriotes, Chessex a semé la zizanie au pays de Calvin, où l’on n’aime pas se souvenir des compromissions avec l’Allemagne hitlérienne. Mais, avec un art consommé du récit et de la description, il a surtout donné un livre d’une grande force émotionnelle. 

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