Abderrahmane Hadj Nacer

Banquier international, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie

Publié le 18 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : L’Union du Maghreb arabe (UMA) a 20 ans. L’idée â¨d’intégration n’a guère avancé. Comment l’expliquez-vous ?

Abderrahmane Hadj Nacer : Début 1993, l’Union européenne a lancé un projet d’étude sur le coût du non-Maghreb, à l’image de celle qu’elle avait réalisée sur le coût de la non-Europe, à l’origine de l’Union européenne (UE). On m’avait confié la direction de cette étude, présidée par Raymond Barre. Les travaux avaient à peine commencé qu’un pays du Maghreb a mis tout son poids pour faire annuler l’étude : le Maroc d’Hassan II, dont la logique était d’intégrer son pays dans l’UE. Ce qu’a fait le Maroc est significatif de l’état d’esprit des autres pays du Maghreb. Aucun d’entre eux n’a de vision régionale. C’est la « beauty parade ». Ils font semblant de faire l’UMA mais chacun essaie d’être le bon élève de l’Europe et d’en devenir l’interlocuteur privilégié pour gérer par délégation la relation avec le Maghreb, ou du moins ses retombées.

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Y a-t-il des pistes pour débloquer la situation ?

À ma connaissance, le Maghreb est la seule région au monde aussi homogène au plan culturel. Quelle que soit la nationalité des hommes d’affaires, dès que l’on libère l’activité économique, des marchés se créent avec des liaisons transversales qui préfigurent un avenir commun. Malgré les blocages actuels il y a des connexions entre les élites politiques et financières, qui, si elles continuent à travailler ensemble, permettront des convergences de vue. À condition que les Européens et les Américains se décident à proposer une solution globale qui sauve la face de tout le monde sur la question du Sahara occidental. La région sera apaisée et ce sera le déclic pour lancer une « union du Maghreb ».

Quels sont les atouts que peut mettre en avant le Maghreb ?

L’Algérie, le Maroc et la Tunisie réunissent près de 100 millions d’habitants. Soit l’équivalent de la Turquie. Mais ne représentent que le dixième du développement de celle-ci. La flotte de la compagnie aérienne turque compte quelque 200 appareils contre environ 80 pour les trois compagnies maghrébines. Ces écarts se retrouvent dans tous les domaines. Si la Turquie est devenue un pays émergent qui compte, c’est parce qu’elle a subi de la part de l’Europe des contraintes draconiennes en matière économique et de droit qui ont fini par créer une dynamique vertueuse. L’Europe pourrait imposer de telles contraintes positives aux pays du Maghreb, mais elle n’est intéressée qu’à y favoriser l’entrée de ses produits via les accords qu’elle signe avec eux, et à en extraire les hydrocarbures.

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Les milieux d’affaires ont-ils un rôle à jouer ?

Il y a malgré tout un flux d’affaires réel entre les trois pays. On recense 700 entreprises tunisiennes installées en Algérie. Et sans les Algériens, le tourisme tunisien aura du mal à se maintenir en vie. Ce sera la même chose pour le Maroc lorsque la frontière sera ouverte. Les intérêts d’affaires sont aujourd’hui inférieurs à ceux des réseaux qui tirent profit des marchés gris. L’ouverture est une nécessité, mais elle suppose la légitimité des élites et la transparence. Il faut brasser les êtres humains. Les régimes se trompent en jouant les nationalismes. Les trois pays sont en phase. Le reste tient du mythe. Sur le terrain, il n’y a aucune différence entre l’intérieur d’une maison d’un cadre algérien, tunisien ou marocain.

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