Nyamko Sabuni
Née au Burundi de parents congolais, elle est aujourd’hui ministre suédoise de l’Intégration et de l’Égalité des sexes. Et n’entend pas s’arrêter en si bon chemin.
Impossible de la manquer sur la photo officielle du gouvernement suédois : Nyamko Sabuni est la seule Noire. Dans l’équipe du Premier ministre conservateur Fredrik Reinfeldt, elle est ministre de l’Intégration et de l’Égalité des sexes depuis le 4 octobre 2006. Ce qui fait d’elle, en ces lointaines contrées scandinaves, la première personnalité issue de l’immigration à atteindre un tel niveau de responsabilité.
Elle ne donne pourtant pas l’impression d’avoir attrapé la grosse tête. Recevant son visiteur, elle engage la conversation en swahili, sa langue maternelle, comme pour signifier qu’elle n’a pas renié ses racines. Si elle s’autorise des chaussures à talons hauts, c’est sans doute pour compenser sa petite taille : elle mesure une quinzaine de centimètres de moins que la moyenne des Suédois !
Vêtue d’un pantalon marron et d’une veste beige, Nyamko Sabuni la joue naturel : on chercherait en vain sur son visage d’adolescente une trace de maquillage. Ses cheveux sont nattés à l’ancienne, aux antipodes de la mode des postiches et du défrisage. Mais c’est déjà presque une coquetterie : sur ses premières photos officielles, elle avait le crâne rasé ! « Je n’aime pas perdre mon temps dans la salle de bains, confie-t-elle malicieusement. Aujourd’hui, les nattes, c’est pour que mes cheveux poussent plus vite. » Une vieille recette bien connue en Afrique…
A 39 ans, La carrière politique de Nyamko Sabuni commence à peine. Elle n’a que six années de vie publique derrière elle, mais la jeune ministre s’est déjà taillé une réputation de femme à poigne. Estimant que l’intégration des immigrés passe d’abord par leur insertion professionnelle, elle a, dès son entrée au gouvernement, annoncé son intention de rompre avec la politique d’assistanat pour privilégier la lutte contre les discriminations au sein de l’entreprise. Aussitôt dit, aussitôt fait : l’une de ses premières décisions a été de supprimer la subvention allouée au Centre de lutte contre le racisme, pourtant dirigé, depuis des années, par… l’un de ses oncles. Motif : insuffisance de résultats.
À l’Assemblée nationale, où elle a siégé de 2002 à 2006, elle tenait déjà le même discours. Quitte à choquer, elle a, quatre ans durant, bataillé contre toute forme d’oppression religieuse, voué aux gémonies les pratiques culturelles qui ne respectent pas la Constitution et les droits de l’homme, critiqué le regard que nombre de Suédois portent sur leurs concitoyens d’origine étrangère et dénoncé les immigrés qui refusent de s’adapter à la société qui les accueille.
Dans une tribune qui a fait quelque bruit, elle s’en est prise, par exemple, à cette « culture de l’honneur » au nom de laquelle cent mille jeunes Suédoises nées de parents étrangers sont, aujourd’hui encore, soumises à des pratiques d’un autre âge : contrôle de virginité, port du voile, excision, mariage forcé… Pour les combattre, la jeune parlementaire a proposé d’instaurer un examen gynécologique obligatoire pour protéger les jeunes filles de l’excision, d’interdire le voile pour les moins de 15 ans, de criminaliser les mariages forcés et de priver les écoles confessionnelles de financement public.
Son credo : émigrer n’implique pas d’abandonner sa culture d’origine, mais impose en revanche de trouver un équilibre avec sa patrie d’adoption.
On imagine que ces prises de position suscitent la polémique. Certains la soupçonnent d’« islamophobie », l’accusent d’être une « immigrée professionnelle », une « chasseuse de musulmans » travaillant à saper l’unité de la société suédoise. Mais la ministre n’en a cure. Ayant toujours vécu à l’étranger, elle estime savoir ce que s’intégrer veut dire.
Fille d’exilés congolais, Nyamko est née en mars 1969 à Bujumbura, au Burundi. Plusieurs fois emprisonné dans son pays natal, son père bénéficie du statut de réfugié politique, ce qui, en 1980, grâce à l’ONG Amnesty International, lui permet de s’installer en Suède.
La fillette le rejoint un an plus tard, en compagnie de sa mère et de trois de ses cinq frères et sœurs. Elle n’a alors que 12 ans. La famille s’installe dans la petite bourgade de Kungsängen, à une vingtaine de kilomètres de Stockholm. « Ce n’était pas un ghetto. Étant la seule famille étrangère de la commune, nous n’avons eu aucun mal à nous intégrer. D’autant que mes parents travaillaient », se souvient-elle.
Ses professeurs lui prédisent un échec scolaire. Ils se trompent : l’adolescente fait un parcours sans faute. Elle intègre l’université d’Uppsala, la plus prestigieuse de Suède, puis la Mälardalens Högskola, et la Berghs School of Communication. Elle y étudie le droit, les politiques migratoires, la communication.
Bardée de diplômes et la nationalité suédoise en poche, la jeune Nyamko va, dès son entrée dans la vie professionnelle, tomber de haut : impossible, la discrimination étant ce qu’elle est, d’accéder aux emplois auxquels elle aspire. Obstinée, elle parvient quand même à se faire recruter comme conseillère chez Geelmuyden.Kiese, une importante agence scandinave de communication, puis, en tant que responsable de projet, à l’Association nationale des Afro-Suédois. Finalement, elle se retrouve conseillère de projet au Folksams Sociala Rada, un organisme qui est à la fois un syndicat, une compagnie d’assurances et une coopérative.
Par ailleurs militante au sein de plusieurs associations, elle décide un beau jour d’entrer en politique, seul moyen, pense-t-elle, de mener à bien ses ambitions. En 1996, elle adhère à la Jeunesse libérale de Suède, une section du Parti libéral, classée plutôt à droite, et, deux ans plus tard, entre au comité directeur.
Mais son ascension ne commence réellement qu’en 2002. Élue députée en même temps que Joe Frans, d’origine ghanéenne, elle est la première Noire à entrer à l’Assemblée nationale. « Contrairement à ce qu’on pourrait croire, mon électorat n’est pas uniquement composé de Suédois d’origine africaine, se félicite Nyamko. Il compte de nombreuses têtes blondes. »
À commencer par son mari, Carl Bergquist, de vingt-trois ans son aîné, rencontré dans un restaurant, un soir de 1993. « Quand il m’a aperçue, il a tout de suite flashé sur moi. Pour ma part, j’étais plutôt indifférente ! » se rappelle-t-elle. Aujourd’hui, le couple a des jumeaux et Carl a accepté de devenir homme au foyer pour permettre à sa femme de poursuivre sa carrière politique.
L’Afrique ? La jeune femme y retourne chaque fois que possible. Au Burundi, en Tanzanie, mais aussi, bien sûr, en RD Congo, le pays de ses ancêtres. Lors d’un voyage à Kinshasa, en 2004, elle a d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer le président Joseph Kabila.
Ambitieuse, Nyamko Sabuni estime qu’être ministre n’est pas une fin en soi. Elle vise plus haut et ne s’en cache pas. Dans sa ligne de mire ? D’abord, la direction de son parti. Puis, pourquoi pas, le poste de Premier ministre…
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