Israël: Une épine dans le pied d’Obama
Malgré la victoire sur le fil de Tzipi Livni aux législatives du 10 février, Benyamin Netanyahou est le mieux placé pour former le prochain gouvernement. Mais son refus de relancer le processus de paix contrarie les objectifs de la nouvelle administration américaine.
En héritage de George W. Bush, Barack Obama n’a pas seulement reçu deux guerres inachevées, en Irak et en Afghanistan, et une situation économique et financière désastreuse. Aujourd’hui, il doit aussi batailler avec un allié israélien longtemps dorloté par l’administration républicaine, un allié qui penche dangereusement vers la droite ultranationaliste.
Les élections israéliennes du 10 février ont porté un coup sérieux, si ce n’est fatal, aux perspectives de paix israélo-arabes. Elles ont aussi dressé un nouvel obstacle sur le chemin d’Obama ; elles pourraient entraver sa volonté de construire des passerelles vers le monde arabo-musulman. Les résultats du scrutin ont clairement ouvert la voie à une possible confrontation entre la volonté d’Obama et celle de Benyamin Netanyahou, le chef du Likoud, qui, à la tête d’une « coalition nationale » de droite pouvant rassembler 65 députés, est l’indiscutable favori pour le poste de Premier ministre. Dans une telle bataille, la victoire est loin d’être acquise pour le nouveau président américain.
Les relations entre les États-Unis et Israël n’ont jamais été celles d’une superpuissance avec un État client. Elles relèvent plus de la politique intérieure américaine que des affaires étrangères. Pour défendre ce qu’il considère comme ses intérêts vitaux, Israël ne s’est jamais privé de manipuler, d’espionner et de menacer son patron, voire de lui dicter ses choix. En 1967, l’État hébreu n’avait pas hésité à attaquer et à immobiliser l’USS Liberty, un navire de surveillance américain, estimant que le contrôle des États-Unis pouvait limiter ses conquêtes.
Déroute des travaillistes
En tout état de cause, Israël a passé des décennies à préparer la situation d’urgence qu’il affronte aujourd’hui : l’élection d’un président américain tenté de mener une politique équilibrée au Moyen-Orient. Netanyahou pourrait se montrer réticent à affronter Obama bille en tête. Il sait à quel point son pays est dépendant des États-Unis. Mais nul doute qu’il utilisera toutes les ruses de sa boîte à malice pour empêcher Obama d’accomplir ce que l’on peut attendre de lui, de façon réaliste, au Moyen-Orient. Netanyahou n’hésitera pas à mobiliser tous les atouts d’Israël aux États-Unis, y compris le fidèle soutien du Congrès. Sur la scène politique israélienne, le seul rival sérieux de Netanyahou est Tzipi Livni, la dirigeante du parti centriste Kadima. Mais elle ne peut rassembler, au mieux, que 55 députés, bien loin des 61 sièges nécessaires pour atteindre la majorité à la Knesset. Ses chances de former une coalition gouvernementale sont donc virtuellement nulles. Les quatre à cinq prochaines semaines seront donc consacrées à l’habituel maquignonnage : une myriade de petits partis troquant leur soutien en échange d’avantages divers. Il est à peu près certain que le président Shimon Pérès n’aura d’autre choix que de demander à Netanyahou de former un gouvernement. Ehoud Barak et le Parti travailliste sont les grands perdants de cette élection. Architecte de l’État d’Israël, le Labour n’a remporté que 13 sièges. Il doit désormais se reconstruire dans l’opposition. Le parti d’extrême gauche Meretz, le seul à avoir fait campagne pour la paix avec les Palestiniens, a recueilli à peine 3 sièges. Rien n’illustre mieux à quel point Israël rejette la paix.
Qu’est-ce que cela implique pour l’Amérique ? Obama a promis de ramener la paix au Moyen-Orient. Lui et sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, ont clairement affirmé que leur préférence allait à la solution de deux États. George Mitchell, l’envoyé spécial d’Obama au Moyen-Orient, est l’incarnation humaine de cette politique. La communauté internationale – l’Union européenne, les États arabes, la Russie, la Turquie, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon – appelle aussi la paix de ses vœux. Mais Netanyahou a déclaré explicitement qu’il rejetait le principe même de « la terre contre la paix ». Il est opposé à toute concession territoriale, que ce soit avec les Palestiniens ou la Syrie, et refuse même d’aborder la question de Jérusalem. Il y a deux semaines, il a planté un arbre sur le plateau du Golan, manière de dire que le territoire syrien appartenait désormais définitivement à Israël. Le principal allié de Netanyahou est Avigdor Lieberman, le leader d’Israel Beitenou (« Israël, notre maison »), un parti d’extrême droite prônant l’expulsion de tous les Arabes israéliens qui ne feraient pas allégeance à l’État hébreu (lire aussi pp. 16-17). Netanyahou a promis à Lieberman un « important ministère » au sein de son cabinet.
Une opinion mue par la peur
Pourquoi les Israéliens ont-ils voté ainsi ? De nombreux commentateurs soulignent l’impact des tirs de roquettes du Hamas. Elles n’ont pas causé beaucoup de dégâts et n’ont fait que très peu de victimes, mais elles maintiennent la population sous pression et entretiennent sa colère. La guerre de Gaza, qui a satisfait la volonté de puissance israélienne, explique elle aussi le résultat du vote. Il semble que l’opinion soit mue par la peur. La peur des ennemis extérieurs, mais aussi des ennemis intérieurs, à savoir ce 1,2 million d’Arabes israéliens que les racistes tel Lieberman décrivent comme une cinquième colonne.
Aussi incompréhensible que cela puisse paraître, Israël a exagéré jusqu’à l’hystérie les menaces supposées que représentent l’Iran, mais aussi le Hezbollah et le Hamas, deux mouvements qu’il a contribué à créer. L’État hébreu a tenté de détruire le Hezbollah en 2006 (1 200 morts libanais) et le Hamas en janvier 2009 (1 300 morts palestiniens). Dans les deux cas, sa féroce machine de guerre, déployée au plus grand mépris des populations civiles, n’a guère été efficace. Le Hezbollah et le Hamas ont non seulement survécu, mais sont devenus plus forts, du moins sur le plan politique. En ce qui concerne l’Iran, les Israéliens se sont persuadés que son programme nucléaire représentait une menace existentielle même si, avec un arsenal de 200 ogives nucléaires, Israël pourrait facilement rayer l’Iran de la carte si une menace crédible venait à se matérialiser.
Les peurs israéliennes sont profondément irrationnelles. Nul doute qu’elles sont un produit du traumatisme de l’Holocauste, mais aussi celui de la suprématie militaire dont l’État hébreu a joui ces soixante dernières années et à laquelle il s’est accoutumé. Tel-Aviv n’a pas l’habitude de se voir opposer une résistance. La tâche quasi impossible d’Obama sera de calmer les instincts meurtriers d’Israël tout en sauvant les Palestiniens de leurs propres instincts suicidaires. Il devra persuader ces derniers, avec l’aide des États arabes et de l’UE, de mettre fin aux luttes intestines qui menacent leur cause nationale. Comment résoudre ce casse-tête ? Les États-Unis pourraient offrir à Israël une garantie formelle de sécurité. L’Iran, en retour, s’engagerait à geler son programme nucléaire, s’il recevait la garantie de ne pas être attaqué et si les Palestiniens obtenaient leur État. Un tel arrangement pourrait permettre de sortir de cette dangereuse impasse. Mais, pour l’heure, Israël n’est pas disposé à entendre raison.
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