Kabila-Kamerhe : chronique d’un désamour
Entre le président (de la République) et le président (de l’Assemblée nationale), l’heure n’est plus aux bouderies mais à la procédure de divorce. Au point que, selon de bonnes sources, le premier a demandé au second de démissionner de son poste afin d’éviter une complexe et douloureuse dissolution du bureau de l’Assemblée. La démarche, par directeurs de cabinet interposés, a été effectuée début février. Depuis, profitant des vacances parlementaires, Vital Kamerhe a pris le large. Il s’est rendu à Paris, officiellement pour se reposer – en réalité pour réfléchir sur son propre avenir politique.
Motif de cette quasi-rupture : les déclarations faites fin janvier sur Radio Okapi par Kamerhe, dans lesquelles le « PAN » critiquait l’intervention rwandaise au Nord-Kivu sans consultation préalable du Parlement. Les « faucons » de l’entourage présidentiel – notamment le député Augustin Katumba Mwanke et les dirigeants du parti au pouvoir, Evariste Boshab et Nkulu Mwenze – ainsi que, vraisemblablement, Joseph Kabila lui-même, soupçonnent en outre Vital Kamerhe d’être l’inspirateur de la pétition signée par une majorité d’élus, réclamant la tenue d’une session extraordinaire de l’Assemblée afin d’examiner l’accord secret entre Kinshasa et Kigali.
Les enjeux, qui touchent aux notions de souveraineté et d’intégrité territoriale, sont, on le voit, ultrasensibles. Qu’il l’ait ou non souhaité, Kamerhe incarne désormais une fronde nationaliste à qui la récente recommandation, par le Parlement rwandais, de poursuivre l’opération au Nord-Kivu au-delà du délai prévu (fin février) donne du grain à moudre. Se positionne-t-il par là, d’ores et déjà, en concurrent de Joseph Kabila pour l’élection présidentielle de 2011 ? Même si l’intéressé ne s’est jamais exprimé en ce sens, la rumeur kinoise et les conseillers du président ont tranché : c’est oui. D’autant que l’on sait le personnage ambitieux et que les deux hommes – qui furent très liés dans le passé et se connaissent fort bien – n’en sont pas à leur première crise de couple. C’est ce dernier point, d’ailleurs, qui peut-être évitera la prononciation du divorce. Kabila, qui a fait preuve d’un grand courage politique en « invitant » sur son territoire les troupes rwandaises, sait qu’il joue gros et que Kamerhe peut lui être précieux vis-à-vis de l’opinion congolaise. Quant à Vital Kamerhe, il n’ignore pas que surestimer ses capacités (et sa popularité, même si elle est indéniable) face à un chef qui dispose de tous les pouvoirs coercitifs de l’État est un pari pour le moins risqué.
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