Laurent Nkunda, ou comment s’en débarrasser
Le chef du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), dans les mains du Rwanda depuis le 22 janvier, a été transféré, dans la nuit du 8 au 9 février, du lieu où il était retenu à une villa sous très haute surveillance de Gisenyi. Devenu incontrôlable, Nkunda a été sacrifié sur l’autel de la paix retrouvée entre son pays, la RD Congo, et le Rwanda, sur lequel il s’appuyait. Son cas a été débattu le 30 janvier à Addis-Abeba, en marge du sommet de l’Union africaine (UA). Décidée à obtenir son extradition, la délégation de la RDC a demandé « la remise de Nkunda à son pays, seul moyen d’éviter la résurrection du CNDP ». Pour appuyer leur demande, les autorités kinoises se sont engagées à lui garantir un procès équitable sous surveillance internationale et à lui offrir les services d’un avocat de son choix. Elles ont assuré qu’il bénéficierait d’un traitement de prisonnier politique et serait jugé par un tribunal qui ne pourra prononcer la peine capitale. La délégation rwandaise a « pris bonne note de la motion », mais a réservé sa réponse.
Conscients du danger, les proches de Nkunda multiplient les actions de lobbying pour dissuader Kigali de livrer leur mentor. Présent à Addis lors du sommet de l’UA, Omar Basile Diatezwa, chargé de mission du chairman, a tenté de plaider sa cause auprès de certains chefs d’État (Kadhafi, Museveni, Wade). À Ali Triki, secrétaire libyen aux Affaires de l’UA, il a demandé que son chef puisse s’installer dans un pays non hostile qui accepterait de l’accueillir.
En attendant que le président Paul Kagamé décide de son sort, Nkunda rumine sa colère en détention, trouve un exutoire dans la lecture de la Bible et les écritures de penseurs adventistes. Pour meubler ses longues journées d’isolement, il rédige un livre « pour expliquer le sens de son combat », explique un de ses proches. Pour s’alimenter, cet homme sobre garde ses habitudes acquises dans le maquis. Et réclame chaque jour des bananes sauvages et du fromage de Masisi.
Placé depuis le 29 janvier dans un régime d’isolement total, il a été dépossédé de son téléphone portable. Sa femme, une Shi du Sud-Kivu, et ses quatre enfants tentent depuis plusieurs jours de le rencontrer. Celui qui rêvait d’un destin national en RDC garde une botte secrète pour ne pas y retourner : invoquer la nationalité rwandaise, qu’il a acquise pour avoir intégré en 1991 l’Armée patriotique rwandaise (APR), dont il est devenu sergent, puis membre des services de renseignements lors de la libération de Kigali en juillet 1994. Si cette astuce peut gêner Kagamé, qui ne peut légalement pas extrader un ressortissant de son pays, elle serait un ultime discrédit pour Nkunda. Il y a peu, ce nationaliste proclamait lutter pour donner aux Tutsis congolais toute leur place dans un Congo démocratique.
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