Démocratie et bonne gouvernance

Publié le 16 février 2009 Lecture : 4 minutes.

Nous ne le savons que trop : cette année 2009 est, pour nous tous, d’abord, l’année de la crise économique.

Mais ce que vous ne savez probablement pas encore, c’est qu’elle est aussi, en même temps, une année exceptionnellement riche en élections de toutes sortes, en particulier présidentielles.

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Est-ce à dire que la démocratie progresse ? Qu’elle s’installe petit à petit sur tous les continents au point de faire partie du paysage ?

En cette année 2009 débute, aux États-Unis, la présidence de Barack Hussein Obama. L’élection inespérée, le 4 novembre 2008, de cet homme issu d’une minorité raciale hier encore rejetée a marqué les esprits et donné des ailes à l’idée même de démocratie.

En tout cas, dans les prochains mois, l’Inde, plus grande démocratie au monde, l’Allemagne, première économie européenne, l’Indonésie, premier pays musulman, tiendront leurs élections générales ; les vingt-sept pays de l’Union européenne éliront leur Parlement et l’Afrique du Sud, première puissance africaine, élira son président.

Il y a, par ailleurs, les cas particuliers que sont l’Irak, où l’on vient de voter, l’Afghanistan, qui élira son président en août prochain, et… l’Iran.

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Dans ce dernier pays – où tout le monde ne peut pas être candidat –, un homme cultivé, porté au dialogue et réputé réformateur, Mohamed Khatami, tentera, le 12 juin prochain, de déboulonner le populiste ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Il est possible qu’il y parvienne… s’il maintient jusqu’au bout sa candidature.

Et il y a le continent africain, où nous avons dénombré pas moins de quatorze élections présidentielles en neuf mois (voir tableau).

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Pourquoi tant de joutes électorales en si peu de temps ? Combien coûteront-elles aux pays et aux candidats ? Comment seront-elles financées ? Et, surtout, combien d’entre elles seront suffisamment honnêtes et transparentes pour qu’on puisse affirmer à leur issue que le gagnant a été « démocratiquement élu » et que le jeu en valait la chandelle ?

En un mot comme en mille, ces élections en grand nombre dans les pays où la démocratie est encore un habit neuf sont-elles de la poudre aux yeux ou bien contribuent-elles à y enraciner ce régime dont nous savons d’expérience qu’il ne s’est installé nulle part du jour au lendemain et sans ratés ?

La question mérite d’être examinée. Mais la réponse n’est pas simple.

C’est maintenant connu et admis : même lorsqu’elles sont libres et honnêtes, les élections ne sont qu’une condition nécessaire – et non suffisante – de la démocratie. Or des élections libres et honnêtes, ticket d’entrée en démocratie, supposent que beaucoup de facteurs soient réunis :

– la liberté de débattre, de s’associer, de contester et de faire campagne ;

une administration électorale neutre et impartiale : sa mission commence avec l’établissement des listes ;

– un accès équilibré aux médias et au financement ;

– une surveillance indépendante et efficace du scrutin jusqu’à la proclamation du résultat ;

– un système crédible de règlement des conflits.

Quand, dans un pays donné, ces conditions ne sont pas réunies – c’est bien souvent le cas là où la démocratie en est à ses balbutiements –, on ne peut pas délivrer à ce pays le label de démocratie, ni croire son président lorsqu’il affirme qu’il a été « démocratiquement élu ».

Examinons les cas un à un et posons-nous la question : sur la quinzaine de pays africains ou musulmans d’Asie où vont se dérouler des élections présidentielles et/ou législatives d’ici à la fin de cette année, combien réunissent ces conditions (ou la plupart d’entre elles) ?

Réponse : une petite minorité.

À ce stade, je voudrais proposer de lier deux concepts dont on parle en général séparément et qui méritent à mon avis d’être rapprochés : la démocratie et la bonne gouvernance.

L’une et l’autre ont la réputation d’être difficiles à pratiquer : n’y accèdent que les plus méritants.

Il faut en effet les choisir comme système de vie, faire l’effort et avoir la patience d’en apprendre les règles, s’obliger en permanence à s’y plier.

Et attendre le temps qu’il faut pour recueillir les fruits de son effort.

Pour un pays, comme d’ailleurs pour une entreprise, la bonne gouvernance est la condition nécessaire et souvent suffisante d’une croissance économique saine et durable ; la croissance économique est source de progrès économique et social, lequel mène à la prospérité.

Or la croissance économique favorise aussi l’instauration de la démocratie et son renforcement.

L’inverse est tout aussi vrai : la démocratie donne naissance à des institutions juridiques et politiques qui permettent de lutter contre la corruption, de réprimer la tricherie et d’introduire l’esprit de compétition : l’activité économique trouve alors de meilleures conditions pour s’épanouir.

Dans son classique « Comment faire pour que la démocratie fonctionne », le sociologue américain Robert Putnam (professeur à la Kennedy School of Government de Harvard) a très bien senti cette dialectique :

« Pour que la démocratie soit solide et durable, il faut le sens du compromis, le respect des lois et l’obéissance à une Constitution.

Dans les démocraties solides et durables, les citoyens se font confiance et se comportent en égaux politiques, respectent la loi, paient leurs impôts, se soucient du bien public, ont un comportement conforme à l’éthique.

Et, simultanément, les institutions de bonne gouvernance – système judiciaire impartial, agences de contrôle efficaces – encouragent et récompensent le comportement civique. »

C.Q.F.D.

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