Chinafrique: le grand deal

Chercheur invité à l’université Johns-Hopkins de Washington, auteur de Chine-Afrique : le dragon et l’autruche (Éditions L’Harmattan).

Publié le 10 février 2009 Lecture : 3 minutes.

La tournée africaine que le président chinois Hu Jintao effectue du 10 au 17 février (Mali, Sénégal, Tanzanie et Maurice) prouve que son pays prend l’Afrique au sérieux. Mais cette offensive de charme ne manque pas de poser une question de fond : n’est-elle profitable, comme le pensent ses détracteurs, qu’aux intérêts chinois, ou constitue-t-elle le soubassement d’un partenariat gagnant-gagnant ?

L’urgence, en vérité, est de donner une nouvelle substance au dialogue sino-africain à travers la concrétisation d’un « deal » bien défini et pragmatique. Ainsi, en échange de la réaffirmation du soutien africain à la politique de réunification totale avec Taiwan (« une seule Chine »), qui est la pierre angulaire de la diplomatie chinoise, Pékin pourrait s’impliquer davantage, en termes financiers, au profit d’un continent plus que jamais exposé aux contrecoups de la crise financière. Avec plus de 2 000 milliards de dollars de réserves extérieures, devenu une sorte de prêteur de dernier ressort, le pays de Hu Jintao a la capacité d’aider l’Afrique à s’attaquer à certaines de ses priorités, en particulier dans le domaine du développement de ses infrastructures.

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Or le continent a déjà assumé une grande part de ce « deal ». À l’exclusion du Burkina Faso, de la Gambie, de São Tomé e Príncipe et du Swaziland, tous les pays africains – y compris ceux qui, au milieu des années 1990, avaient cédé aux sirènes financières de Taipei – soutiennent Pékin dans son rapprochement avec Taiwan. Il n’est du reste pas difficile de comprendre la détermination de la Chine, qui tient avant tout à se venger de ce qui fut pour elle, entre 1840 et 1945, un siècle d’humiliation. Sa « rédemption » passant nécessairement par la reconquête de ses territoires perdus, elle a ouvertement indiqué son intention d’user de tous les moyens, y compris militaires, pour y parvenir.

 

Établissant une comparaison avec les deux Allemagnes, les deux Vietnams ou d’autres pays du monde divisés pendant la guerre froide, les dirigeants chinois considèrent qu’il est tout à fait naturel que Taiwan revienne dans la famille. Comme dans les cas de Hong Kong et de Macao, ils peuvent néanmoins être flexibles sur la nature de ces retrouvailles à condition que l’idée d’indépendance soit exclue de la négociation. Pour eux, l’essentiel est de refermer définitivement la triste parenthèse que représente ce legs à la fois de la guerre froide et de la guerre civile entre nationalistes et communistes que ces derniers ont remportée en 1949. D’autant que la légitimité historique est de leur côté : seule la volonté d’endiguer le communisme avait poussé le président américain Harry Truman à remettre en question l’identité chinoise de Taiwan, juste après le déclenchement de la guerre de Corée, en 1950.

 

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Depuis, les retrouvailles ont été largement entamées, comme le montrent la croissance des flux d’investissements et du trafic aérien, ou encore le relâchement des tensions de part et d’autre du détroit depuis le retour aux affaires, à Taiwan, du parti nationaliste Guomindang. Ayant relayé les revendications nationalistes de Pékin, les pays africains sont désormais en droit d’attendre davantage d’un partenariat jusqu’ici largement dominé par la Chine.

Pour équilibrer cette relation, il importe d’instiller plus de transparence dans les contrats signés, mais aussi de garantir que les ressources minières et énergétiques du continent ne soient pas accaparées par les seuls intérêts chinois. Les Africains vivant en Chine ou s’y rendant pour affaires doivent également être mieux respectés et les diplomates chinois en poste sur le continent faire preuve de moins de cynisme et d’insolence. Enfin, l’Afrique doit exiger des entreprises chinoises plus de responsabilité sociale par le biais d’un solide transfert de compétences, par l’établissement de vrais joint-ventures et par une meilleure concertation avec les forces civiles africaines. Bref, les interlocuteurs africains doivent être francs avec Hu Jintao. Sans pour autant prendre le risque de lui faire perdre la face !

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