D’une rive à l’autre

L’enfer des clandestins fuyant la misère dans des embarcations de fortune inspire le septième art.

Publié le 10 février 2009 Lecture : 2 minutes.

Deux films sur l’émigration africaine sortent simultanément sur les écrans en France : Éden à l’Ouest de Costa-Gavras et Un aller simple pour Maoré d’Agnès Fouilleux. Filmé comme une odyssée, Éden à l’Ouest suit le parcours d’un migrant, Elias, qui traverse la Méditerranée pour rejoindre Paris. Le ton romanesque et spectaculaire de cette fiction est donné dès les premières images. Sur fond d’un magnifique lever de soleil, on voit un bateau surchargé de pauvres gens de tous âges, invités à jeter leurs papiers à la mer pour déjouer les éventuels contrôles douaniers. Il rejoint au large un autre navire en piteux état, voué à transporter jusqu’en Italie sa cargaison de futurs sans-papiers.

Avec de belles images et ce qu’il faut d’action et de suspense, Costa-Gavras égrène les péripéties auxquelles peuvent être confrontés les émules d’Elias : accostage du rivage européen de nuit à la nage et au bord de l’épuisement ; sauvetage par une touriste qui se fera payer son aide en services sexuels ; jeu du chat et de la souris avec la police… Résultat : un film plein de clichés – qui, hélas, ne sont pas faux pour autant – mais qui constitue aussi un plaidoyer humaniste vigoureux contre les politiques d’immigration des pays riches.

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Également truffé de superbes images, tout simplement parce que son principal décor naturel – les îles Comores – est d’une rare beauté, Un aller simple pour Maoré est un documentaire passionnant à suivre grâce à un montage habile. Il évoque la tragédie des Anjouanais qui tentent par tous les moyens de fuir la misère en rejoignant Mayotte. Plutôt que de raconter le périple d’un migrant en particulier, Agnès Fouilleux propose des reportages parlants – sur les conditions de vie effroyables à Anjouan et, pour les clandestins, à Mayotte. Et recueille des témoignages d’émigrés ou de candidats à l’émigration, de passeurs, de policiers, etc. Une vision du sujet au niveau de la population concernée qui fait comprendre pourquoi elle prend de tels risques.

C’est par milliers, en effet, qu’on décompte les noyés. Sur place, on parle de « morts-Balladur », du nom de celui qui était Premier ministre à Paris lorsqu’on a imposé des visas, quasi impossibles à obtenir, pour l’accès à Mayotte en 1994. Des morts comoriens, d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne font que rejoindre une île qui, selon l’ONU, devrait appartenir à leur pays. Mayotte est, en effet, l’un des confettis de l’ex-empire colonial français resté rattaché à la métropole après une curieuse manipulation électorale, lors d’un référendum illégalement tenu île par île aux Comores, en 1975.

Nul doute que la fiction de Costa-Gavras, bien qu’elle ne soit pas l’une des mieux réussies de l’auteur, attirera plus de spectateurs que l’enquête passionnante mais sans grands moyens d’Agnès Fouilleux. C’est la loi du genre. On n’est pas obligé de s’en féliciter.

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