Le sous-sol africain ne fait plus recette

La forte baisse des cours des matières premières menace directement les finances de plusieurs pays qui misaient sur leurs exploitations minières pour maintenir leur croissance.

Publié le 11 février 2009 Lecture : 5 minutes.

Après quatre ans d’euphorie et de multiplication des projets d’investissements, le marché minier a la gueule de bois. Depuis juillet 2008, les cours du cobalt, de l’uranium, de l’aluminium et du cuivre ont en moyenne dégringolé de 50 %. Pour la plupart des producteurs, petits et grands, les prix de vente ne couvrent plus les coûts d’exploitation. En manque d’argent frais, ils réduisent la voilure : certains arrêtent leurs sites de production, d’autres retardent des investissements, surtout ceux qui n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. Avec un tiers des réserves minières mondiales et des gisements inexploités qui sont autant d’opportunités, l’Afrique est en première ligne des victimes de la déprime du secteur. De nombreux États, dont le budget dépend des recettes tirées de l’exportation des minerais, vont devoir se serrer la ceinture cette année.

CUIVRE ET COBALT
RD Congo : un manque à gagner de 930 millions de dollars
Depuis juillet dernier, le cours du cuivre a chuté de 60 %, à 3 000 dollars la tonne. D’après les prévisions du groupe d’assurance-crédit Euler Hermes, la baisse devrait se poursuivre en 2009 et le prix moyen dégringoler de 55 % par rapport à 2008. Quant au cobalt, extrait dans les mêmes gisements, son cours a été divisé par cinq, à 9 dollars la livre. Avec 10 % des réserves mondiales de cuivre et 34 % de celles de cobalt, la République démocratique du Congo (RDC) fait déjà les frais de la décrue. Quarante des 70 sociétés minières opérant au Katanga, première province minière du pays, l’ont quittée. Selon un économiste sur place, 20 000 salariés du secteur minier ont déjà perdu leur travail. En décembre, le ministre des Mines de la province annonçait même que 300 000 emplois au total seraient supprimés. Une estimation jugée plausible si l’on tient compte des petits creuseurs informels ainsi que des employés des secteurs indirectement touchés par la crise (travaux publics par exemple).

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Les grands groupes ne sont pas épargnés. Le sud-africain Mwana Africa a ralenti ses opérations d’exploration. Mi-décembre, Forrest International a suspendu les activités de sa filiale CMSK, qui produisait jusqu’alors 4 500 tonnes de cobalt et 11 000 tonnes de cuivre par an, et mis la plupart de ses 650 employés au chômage technique. « Avec une livre de cobalt à 9 dollars, la société ne peut plus assurer les coûts de production, explique-t-on au sein du groupe. La production peut reprendre aux alentours de 15 dollars, mais il faut que la demande soit là et semble solide. » En 2007, la valeur totale de la production de cuivre s’est élevée à 693 millions de dollars. Au même niveau de production, elle tomberait à 305 millions en 2009 compte tenu des prévisions à la baisse du cours moyen. Et celle de cobalt, de 864 millions en 2007, à 324 millions de dollars.

URANIUM
La valeur des exportations du Niger en baisse de 200 millions de dollars

La livre d’uranium est passée de 140 à 53 dollars entre juin 2008 et janvier 2009, mais le français Areva promet de maintenir son objectif : produire 12 000 tonnes d’uranium par an d’ici à 2012, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. « La crise n’a aucun impact sur nos projets africains », assure-t-on chez Areva. Ainsi, le groupe assure que son calendrier sera respecté pour l’entrée en exploitation des gisements de Trekkopje, en Namibie, et de Bakouma, en Centrafrique, soit respectivement fin 2009 et 2010. Quant à la production sur le site d’Arlit, au Niger, elle devrait donc se maintenir (3 100 tonnes en 2007). En janvier, Areva a signé avec Niamey pour l’exploitation d’un second gisement : Imouraren, le plus grand d’Afrique. Là aussi, il n’envisage pas, ou pas encore, que la baisse des cours puisse retarder l’entrée en exploitation, prévue en 2012, pour une production de 5 000 tonnes par an.

Mais pour l’État du Niger, l’impact sera nettement plus douloureux. L’uranium représente 50 % des recettes d’exportation, soit une manne de 157 millions de dollars (80 milliards de F CFA) en 2006, pour une production de 2 260 tonnes cette année-là. Bien sûr, le bilan 2008 s’annonce meilleur : 412 millions de dollars (avec une livre au prix moyen de 95 dollars sur l’année et une production de 3 100 tonnes). Mais si le prix moyen 2009 reste au stade actuel de 50 dollars la livre, l’année 2009 sera celle des désillusions : dans ces conditions, les recettes d’exportation liées à l’uranium s’élèveront à 217 millions de dollars (pour un niveau de production stable, à 3 100 tonnes), soit près de 100 % de moins qu’en 2008.

BAUXITE
Diminution de 20 % des recettes de la Guinée

La chute est moins violente que celle du cours du fer (– 60 % prévus en 2009), mais elle se fera sentir : le prix moyen de l’aluminium, dont la bauxite est le principal composant, risque de baisser de 20 % cette année. Deuxième exportateur mondial, avec une moyenne annuelle de 15 millions de tonnes, la Guinée est en première ligne face à la crise. Son secteur minier, actuellement dominé par la bauxite, assure 30 % des recettes de l’État et 70 % des recettes d’exportation. Un pactole pour les années à venir, les réserves prouvées s’élevant à 20 milliards de tonnes. Avant la crise, le trio formé par Global Alumina, BHP Billiton et Dubaï Mubadala prévoyait la construction d’une usine d’alumine, pour un investissement de 3,2 milliards de dollars. Et après ? La situation politique du pays, où, à la faveur de la mort du président Lansana Conté, le capitaine Dadis Camara s’est emparé du pouvoir en décembre dernier, est aussi un paramètre. Si la production se maintient à 15 millions de tonnes et le prix de la bauxite suit l’évolution à la baisse de celui de l’aluminium, les recettes du Trésor public tirées de la bauxite devraient chuter de 20 % et passer de 130 millions à moins de 100 millions de dollars.

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FER
Les exportations de la Mauritanie divisées par trois

D’après les analyses de l’institut français Cyclope, cercle d’experts en ressources naturelles, le prix moyen du fer devrait chuter de 60 % en 2009. Mauvaise nouvelle pour le Sénégal. En février 2007, Arcelor Mittal a signé avec Dakar pour l’exploitation du gisement de la Falémé (réserves de 750 millions de tonnes), au sud-est du pays. À l’époque, l’entrée en production est prévue pour 2011. Mais aujourd’hui, personne ne sait plus dire quand le coup d’envoi sera donné. Une chose est sûre : les délais ne seront pas respectés.

Depuis novembre dernier, la production mauritanienne de fer, qui représente 50 % des exportations, a été divisée par deux, selon une source proche de la Société nationale industrielle et minière (Snim). Combinée à la chute du prix du minerai de 60 % – selon les prévisions –, cette baisse de la production, si elle se maintient, coûtera cher à la Mauritanie en 2009 : les recettes d’exportation liées au fer seront divisées par trois par rapport à 2008, pour tomber à 262 millions de dollars.

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MANGANESE
Le Gabon retourne deux ans en arrière

Mauvaise nouvelle pour le Gabon, deuxième producteur mondial de manganèse : en 2008, le prix de la tonne de ce minerai a baissé de 60 %. Comilog, qui exploite le gisement de Moanda, dans la province du Haut-Ogooué (Sud-Est), a donc décidé de réduire sa production du premier trimestre 2009 de 600 000 tonnes. Moanda avait produit 3,25 millions de tonnes sur l’année 2008. Si le prix moyen de la tonne se maintient au niveau actuel en 2009 et le volume de production s’établit à 2,65 millions de tonnes (en tenant compte de la baisse annoncée par Eramet), les recettes d’exportation du Gabon en 2009 devraient retrouver leur niveau de 2006. Cette année-là, les exportations de manganèse avaient rapporté 428 millions de dollars (190,9 milliards de F CFA) à Libreville, pour une production de 3 millions de tonnes. Le secteur minier reste toutefois l’un des plus prometteurs pour la diversification de l’économie du pays, qui table sur les revenus des mines pour compenser la diminution des réserves pétrolières.

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