Et si Obama lâchait Karzaï ?

À quelques mois de l’élection présidentielle, la nouvelle administration américaine hésite à maintenir son soutien à l’équipe, notoirement inefficace et corrompue, au pouvoir à Kaboul.

Publié le 10 février 2009 Lecture : 3 minutes.

À l’approche de l’élection présidentielle (en septembre), le président Hamid Karzaï a du souci à se faire. Et pas seulement parce que les talibans, mettant à profit l’incurie de son gouvernement et les dramatiques erreurs de la coalition occidentale, qui, depuis six ans, s’épuise en vain à combattre l’insurrection, ne cessent de renforcer leur emprise sur l’Afghanistan.

La priorité que Barack Obama a de longue date promis d’accorder à ce pays dans la guerre globale contre le terrorisme islamiste – dont témoigne la nomination de Richard Holbrooke (68 ans), ancien ambassadeur auprès de l’ONU (1999-2001) et grand artisan des accords de Dayton sur la Bosnie (1995), comme envoyé spécial dans la région – n’est assurément pas une bonne nouvelle pour lui.

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Certes, quelques jours après l’investiture du nouveau président américain, les premiers renforts en provenance d’Irak ont débarqué dans le sud du pays. Au total, 30 000 hommes sont attendus dans le cadre d’une « américanisation » annoncée de la guerre. Mais on assiste parallèlement, sur le plan politique, aux prémices d’une redistribution des cartes.

Ex-chouchou des Occidentaux, Karzaï entre-t-il encore dans les plans de l’administration Obama ? À Washington, la question n’a sans doute pas encore été tranchée, mais, à n’en pas douter, elle se pose. En mai 2008, Holbrooke n’estimait-il pas que la « décision tactique » de soutenir ou de lâcher Karzaï était « l’une des plus importantes » que le futur chef de l’exécutif américain aurait à prendre ?

Car le gouvernement en place à Kaboul est tellement inefficace et corrompu qu’il ne parvient ni à enrayer la violence ni même à affirmer son pouvoir hors de la capitale – et encore ! Selon certaines rumeurs émanant des services américains, Ahmed Ali Karzaï, le propre frère du président, serait l’un des principaux trafiquants de drogue du pays. L’information n’a pas été confirmée officiellement, mais Hillary Clinton, la nouvelle secrétaire d’État, a, lors de son audition devant le Congrès, parlé de l’Afghanistan comme d’un « narco state ». Il est vrai que 93 % de l’héroïne commercialisée dans le monde en provient…

« Les Américains ne décideront pas du résultat du prochain scrutin, commente un analyste. Mais ils peuvent convaincre certains responsables politiques de mettre en sourdine leurs divergences afin de constituer un “ticket de rêve”. » De fait, à la mi-janvier, une délégation afghane s’est discrètement rendue à Washington, où elle a rencontré divers responsables de la nouvelle administration.

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Elle était conduite par le Pachtoune Gul Agha Sherzai. Vétéran de la guerre contre les Soviétiques, celui-ci fut par la suite gouverneur de la province de Kandahar, son fief, et l’est aujourd’hui de celle de Nangarhar, à l’est de Kaboul. Accusé de graves violations des droits de l’homme et soupçonné de trafic de drogue, il a échappé à une tentative d’assassinat en 2006. Tout sauf un enfant de chœur ! Obama n’a pourtant pas hésité à le rencontrer à Jalalabad, en juillet 2008, avant même de s’entretenir avec Karzaï.

À Washington, Sherzai était accompagné de trois anciens ministres.

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D’abord, Abdullah Abdullah (Affaires étrangères), un ancien compagnon d’armes du commandant Massoud, qui, bien qu’à demi pachtoune, passe pour le chef de la communauté tadjik.

Ensuite, l’ancien colonel Ali Ahmad Jalali (Intérieur), autre vétéran du djihad antisoviétique, qui, naturalisé américain en 1987, travailla vingt ans durant pour Voice of America avant de rentrer dans son pays. Devenu ministre, il ne se signala pas par une détermination sans faille à lutter contre la corruption.

Enfin, Ashraf Ghani (Finances), autre membre de l’ethnie pachtoune, qui étudia à l’université Columbia, travailla dix ans durant (1991-2001) pour la Banque mondiale, puis, entre 2002 et 2004, pilota avec succès l’introduction de la nouvelle monnaie afghane.

Les membres de cette « bande des quatre » d’un nouveau genre peuvent-ils vraiment déboulonner Hamid Karzaï ? Isolément, sûrement pas ; ensemble, sait-on jamais ?

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