À Gaza, Goliath parle hébreu

Dans une tribune publiée par Le Monde diplomatique, l’historien israélien Tom Segev explique pourquoi il ne croit plus à la paix.

Publié le 10 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Lorsque le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007, Israël a imposé un blocus qui a précipité un million et demi de Palestiniens au bord d’une catastrophe humanitaire. Il a détruit toute chance d’une vie digne d’être vécue pour toute une génération de Gazaouis. Et cela n’a fait que renforcer le Hamas.

Attaquer les villes israéliennes à coups de roquettes est aussi cruel que d’attaquer la bande de Gaza, et Israël a, comme tout autre pays, le devoir de défendre ses citoyens. Cependant, le Hamas n’est pas seulement, comme le prétendent Israël, les États-Unis et l’Union européenne, une organisation « terroriste » : il s’agit aussi d’un authentique mouvement national religieux soutenu par la plupart des Gazaouis. Malgré les pertes humaines épouvantables, le Hamas a refusé de capituler, ce qui a augmenté le nombre de victimes, mais a également donné naissance à un mythe héroïque de résistance. De fait, le Hamas peut reprendre à son compte bien des éléments de la panoplie mythologique israélienne, à commencer par le combat opposant le petit nombre à la multitude, le faible au fort, David à Goliath. À Gaza, ces derniers jours, David parle arabe.

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Cette guerre a de nouveau ramené des journalistes du monde entier dans la région. Beaucoup se demandent pourquoi Israéliens et Palestiniens ne se mettent pas d’accord pour partager cette terre. Les dirigeants israéliens affirment soutenir la solution des deux États autrefois préconisée par la seule gauche radicale. Les dirigeants palestiniens, à l’exception des chefs du Hamas, ont eux aussi adhéré à cette solution. En apparence, il ne reste à mettre au point que les détails de l’accord. Le problème est malheureusement infiniment plus compliqué.

Le conflit ne porte pas simplement sur la terre, l’eau et la reconnaissance mutuelle, mais aussi sur l’identité nationale. Les peuples israélien et palestinien se définissent tous les deux en fonction de la Terre sainte tout entière. Tout compromis territorial obligerait les deux parties à abandonner une part de leur identité. […] Avec près de 300 000 Israéliens en Cisjordanie et 200 000 autres dans les anciens quartiers arabes de Jérusalem, il devient quasiment impossible de tracer des frontières sensées et d’instaurer la paix. Outre les difficultés insurmontables engendrées par un retrait de la Cisjordanie et un partage de Jérusalem, les Palestiniens exigent aussi un « droit au retour » en Israël pour les réfugiés ayant fui ou ayant été expulsés de leurs maisons pendant les combats de 1947-1949. Nombre d’entre eux vivent à Gaza avec leurs descendants.

Avec l’ascension du Hamas et le radicalisme croissant de certains colons juifs, ce conflit irrationnel a revêtu une dimension plus religieuse. Les fondamentalismes islamiste et juif ont transformé le contrôle de la terre en partie intégrante de leur croyance, laquelle leur est plus précieuse que la vie humaine. Ainsi, pendant que de nombreux Israéliens, Européens et autres participent à des débats moraux futiles sur la responsabilité des uns et des autres, de plus en plus d’Israéliens ne croient plus à la paix. Ils savent que, sans la paix, Israël risque de ne pas survivre, mais, de guerre en guerre, ils ont perdu leur optimisme. Tout comme moi.

J’appartiens à une génération qui a toujours nourri l’espoir de la paix. En 1967, j’avais 23 ans et je ne doutais pas que quarante ans plus tard la guerre serait terminée. Aujourd’hui, je ne crois plus à la résolution du conflit. En ce moment, les positions sont beaucoup trop éloignées. Je crois en revanche à une meilleure gestion du conflit, y compris à des négociations avec le Hamas. La plupart des gouvernements déclarent ne pas vouloir négocier avec des organisations terroristes, mais tous finissent par le faire. Nous avons déjà fait cette expérience. Il y a de longues années, Israël a refusé de parler avec l’OLP de Yasser Arafat. Finalement, en 1993, Arafat, Itzhak Rabin et Shimon Pérès ont échangé des poignées de main à Washington, devant la Maison Blanche.

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Les Israéliens attendent beaucoup de la nouvelle administration de Barack Obama, qui se dit un ami d’Israël. Cette administration pourrait être plus efficace que la précédente si elle s’efforçait simplement d’atteindre un objectif limité, mais urgent : rendre la vie plus supportable pour les Israéliens et les Palestiniens. 

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