Ali Triki

Secrétaire libyen aux affaires de l’Union africaine

Publié le 9 février 2009 Lecture : 4 minutes.

Jeune afrique : Sur les documents du protocole libyen, Mouammar Kadhafi se fait appeler désormais « roi des rois traditionnels ». N’est-ce pas surprenant de la part d’un homme qui a renversé la monarchie en Libye ?

Ali Triki  : Vous savez, si le Guide a pris contact avec les rois traditionnels, c’est pour mobiliser les masses populaires du continent en faveur de l’Union. « Roi des rois », c’est une expression symbolique. Et en Libye, la monarchie est bien abolie !

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N’est-ce pas de la mégalomanie de sa part ?

Non, non. (Rires)

L’élection de Mouammar Kadhafi à la présidence de l’UA ne ravit pas tout le monde. Yoweri Museveni demande au Tanzanien Kikwete et à l’Éthiopien Zenawi de l’accompagner à Londres au prochain G20. N’est-ce pas un signe de défiance ?

Je crois au contraire que le Guide est capable de défendre l’Afrique avec plus d’enthousiasme que d’autres chefs d’État. Et je ne suis pas le seul à le penser, car la proposition de Museveni a été rejetée par les délégués. Vous savez, si le Guide s’est présenté à cette élection, c’est parce que plusieurs chefs d’État africains le lui ont demandé. À commencer par ceux d’Afrique du Nord, messieurs Bouteflika, Ben Ali et Moubarak. Lui-même ne voulait pas de cette présidence, car il pense qu’elle n’est que symbolique. Il a même demandé à Jakaya Kikwete s’il ne voulait pas conserver ce mandat une année de plus, mais celui-ci lui a répondu qu’il avait des élections à préparer en Tanzanie.

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Vous avez obtenu la création d’une autorité supranationale, mais ce ne sera pas le gouvernement que vous souhaitiez. N’êtes-vous pas déçu ?

Non, je crois qu’on fait des progrès, car l’Autorité aura un réel pouvoir avec ses quatorze secrétaires, qui seront en charge notamment de la Défense, des Affaires étrangères et du Commerce extérieur. Certains pays veulent aller plus lentement, c’est vrai, mais nous sommes tous d’accord sur l’objectif.

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L’Ougandais Yoweri Museveni dit que la souveraineté de son pays est à Kampala et pas à Addis-Abeba…

Je crois que certains font la confusion entre le projet d’un gouvernement d’union et celui des États-Unis d’Afrique. La création d’un gouvernement est un acte purement administratif. Les États-Unis d’Afrique, ce n’est pas pour demain. Et puis, dites-moi, quelle est aujourd’hui la véritable souveraineté d’un pays africain ? En Europe, de petits pays comme le Luxembourg, Chypre ou Malte ont renforcé leur souveraineté grâce à l’Union européenne. Désormais, ils sont mieux protégés. Les pays africains devraient s’en inspirer…

Mais, tout de même, ne faut-il pas procéder par étapes et construire d’abord les sous-régions ?

Regardez les pays maghrébins et tout l’argent qu’ils perdent parce qu’ils ne sont pas parvenus à s’unir ! Regardez les pays d’Afrique australe qui se disputent sur le cas du Zimbabwe. Le Botswana est presque en guerre avec ce pays ! Regardez le conflit entre l’Éthiopie et l’Érythrée dans la Corne de l’Afrique. Cela dit, on peut très bien construire les régions et travailler en même temps à l’échelle continentale. Les ressources de l’Afrique sont immenses. Pensez au fleuve Congo ou aux chutes Victoria… Nous ne les exploitons pas ! Et notre commerce extérieur est totalement désorganisé face aux quatre grands, les États-Unis, l’Europe, la Chine et l’Inde.

Le dernier sommet n’a-t-il pas renforcé le clivage entre vous et les souverainistes comme l’Ouganda et l’Éthiopie ?

Non. Je crois que petit à petit ces « souverainistes », comme vous dites, vont venir à l’Union. Parmi eux, il y a aussi l’Afrique du Sud, qui est une puissance économique, et l’Angola, qui est devenu très riche. Mais ils commencent à bouger.

Franchement, dix ans après le sommet de Syrte, les choses n’avancent-elles pas beaucoup plus lentement que vous le souhaitiez ?

Au contraire, à Syrte, on ne pensait pas qu’on ferait tant de chemin en dix ans ! C’est un miracle ! Et on est très optimistes, je vous assure.

Si votre projet ne marche pas, le président Abdoulaye Wade propose un plan alternatif qui regrouperait une vingtaine de pays, pour la plupart d’Afrique du Nord et de l’Ouest…

Oui, je suis au courant. Je crois que le président Wade est un vrai fédéraliste et qu’il a raison de presser le pas, mais il y a le risque de diviser le continent. Alors, parfois, il vaut mieux attendre les retardataires pour préserver l’unité de l’Afrique. La division, ce serait trop grave. On ne peut pas prendre cette responsabilité.

Les chefs d’État d’Afrique centrale ont brillé par leur absence à ce sommet. Ne boudent-ils pas votre projet ?

Non, je ne crois pas. Je ne sais pas pourquoi le président Bongo Ondimba a renoncé à venir, mais le Gabon a apporté une contribution très intéressante au projet d’union. Il est même à l’avant-garde. Le Tchad et la Centrafrique sont aussi dans le mouvement. Le Cameroun hésite un peu, mais récemment il a adopté une attitude plus favorable à l’Union. Son président n’est pas venu à Addis, mais ce n’est pas la première fois…

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