Ibni, un an après

Alors que la disparition de l’opposant demeure inexpliquée, le président se dit prêt à répondre à la justice… de son pays.

Publié le 9 février 2009 Lecture : 2 minutes.

« C’est le secret le mieux gardé du Tchad, constate amèrement l’opposant Saleh Kebzabo. D’habitude, on sait tout sur la vie au Palais, mais là, rien. » Qu’est devenu Ibni Oumar Mahamat Saleh, l’opposant civil le plus dangereux pour le régime d’Idriss Déby Itno ? Depuis son enlèvement, le 3 février 2008, à son domicile de N’Djamena, il n’a donné aucun signe de vie. Pour beaucoup de Tchadiens, il est mort sous les coups de ses ravisseurs. Mais, faute de corps, le deuil est impossible, et sa famille s’accroche encore à un fol espoir.

Seule certitude : au soir de la dernière bataille de N’Djamena et de la défaite des rebelles de Mahamat Nouri, il a été kidnappé par un groupe d’une dizaine de militaires fidèles au régime du président Déby Itno. Dans son rapport du 3 septembre dernier, la commission d’enquête mise sur pied par le pouvoir le reconnaît elle-même. Tout le reste n’est que conjectures, mais l’un de ses deux codétenus, l’opposant Ngarlejy Yorongar, se souvient très bien que, deux ou trois jours après leur arrestation, les geôliers ont paniqué devant la cellule voisine de la sienne, puis ont sorti Ibni et « l’ont trimballé comme s’il était mort ». Qui est dans le secret de cette disparition ? Le 5 mars 2008, le fils aîné du disparu, Hicham Ibni Oumar, est reçu à l’Élysée. Hicham se lance : « Monsieur le Président, pensez-vous qu’Idriss Déby a tué mon père ? » Nicolas Sarkozy, les yeux dans les yeux : « Franchement, je ne crois pas que le président Déby ait les mains tachées de sang. » Idriss Déby Itno étranger à l’affaire ? À N’Djamena, peu de gens y croient. Pour la famille d’Ibni, le chef de l’État a voulu se débarrasser de l’opposant, originaire, comme lui, du nord du pays. Pour d’autres, le président a couvert une bavure. Mais, de l’avis général, trois figures de l’opposition comme Ibni, Yorongar et Lol n’auraient pu être raflées sans l’accord du « patron » et de Mahamat Ismaël Chaibo, le chef de l’Agence nationale de sécurité (ANS). Saura-t-on un jour la vérité ? La famille du disparu n’a aucune confiance dans la justice tchadienne et envisage de saisir la Cour pénale internationale. Le président tchadien a flairé le danger. Il y a six semaines, une enquête judiciaire a été ouverte à N’Djamena, et Idriss Déby Itno vient d’annoncer que le magistrat instructeur pourrait interroger toutes les personnes désirées, y compris lui-même. On pense à la stratégie de Denis Sassou Nguesso dans l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville : faire un procès sur place pour éviter toute procédure internationale.

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Reste la donne politique. En avril 2008, c’est sur l’insistance de son allié français que le régime tchadien a créé une commission d’enquête. Aujourd’hui, à Paris, Me William Bourdon – autre conseil de la famille du disparu – interpelle Nicolas Sarkozy : « Le 27 février 2008, à N’Djamena, on a vu son énergie pour demander que la lumière soit faite sur la disparition d’Ibni. Aujourd’hui, on aimerait qu’il mette autant d’énergie à réclamer des poursuites judiciaires. »

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