Le phénomène Mabanckou
Avec Black Bazar, son dernier roman, l’écrivain franco-congolais connaît de nouveau le succès. Aidé par les médias, certes. Mais grâce à son talent, surtout, et au regard libre de tout tabou qu’il porte sur le monde d’aujourd’hui. Entretien avec la nouvelle figure emblématique de la littérature subsaharienne.
Un bras négligemment posé sur la table, l’autre retenant sa tête penchée en avant, les yeux mi-clos, il prend un air pensif. La veste de cuir et la casquette de titi parisien parachèvent l’image du personnage : décontracté et recherché à la fois. Plusieurs journaux ont publié cette photo d’Alain Mabanckou. Le romancier congolais a un look, et sait en jouer. Les médias aussi. Depuis la sortie, au début de janvier, de Black Bazar, son sixième roman (voir J.A. n° 2504), qui narre les mésaventures parisiennes d’un dandy congolais, l’écrivain enchaîne les radios et les télés. Il a eu droit à des articles dans tous les grands titres de la presse française et belge. À quoi s’ajoutent les nombreuses manifestations littéraires auxquelles il prête volontiers son concours.
Affable, souriant, le verbe facile, Alain Mabanckou est un excellent communiquant. Son blog, fort bien fait, entretient le lien avec ses aficionados. Qu’il l’ait souhaité ou pas (dans la mesure où il refuse l’étiquette d’écrivain africain), il s’est imposé, à 42 ans, comme la nouvelle figure emblématique de la littérature subsaharienne d’expression française.
Évidemment, il ne susciterait pas une telle ferveur s’il ne faisait pas de bons livres. La reconnaissance est arrivée en 2005 avec Verre Cassé, truculente chronique de la vie quotidienne dans un bar de Pointe-Noire, sa ville natale. Truffé de formules savoureuses et de clins d’œil littéraires, le roman, torrent de mots assemblés sans le moindre point, a obtenu plusieurs prix, dont celui des Cinq Continents de la Francophonie. Essai confirmé l’année suivante avec Mémoires de porc-épic, couronné par le prestigieux Renaudot. Entre-temps, un bonheur n’arrivant jamais seul, il a été recruté par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) pour y enseigner la littérature francophone et le « creative writing ».
Si Mabanckou se nourrit des grands textes de la littérature contemporaine, de Céline à Gabriel García Márquez en passant par James Baldwin, auquel il a consacré un livre en 2007 (Lettre à Jimmy), sans oublier son compatriote Sony Labou Tansi, il crée dans ses livres un univers bien à lui, cocasse et réaliste à la fois, où les personnages, qu’ils vivent en Afrique ou à Paris, se rient de leurs turpitudes.
Et ça marche ! Verre Cassé s’est vendu à 80 000 exemplaires, Mémoires de porc-épic à plus de 50 000 exemplaires. Black Bazar est en passe d’atteindre ce chiffre…
Jeune Afrique : Comment faut-il vous présenter : romancier francophone, romancier africain ?
Alain Mabanckou : Définissez-moi comme vous l’entendez, à condition que la définition ne porte pas la marque de l’exclusion ou du paternalisme, comme dans « écrivain francophone ». La distinction francophonie/français me semble aujourd’hui totalement caduque. En littérature, il n’y a que des bons et des mauvais livres.
Si l’on vous comprend bien, la seule identité qui compte, c’est la langue d’écriture ?
On me demande souvent pourquoi j’ai choisi d’écrire en français. La raison en est simple : c’est parce que c’est en français que j’ai appris à écrire. Ce qui me différencie de mes collègues français, c’est que je pratique quatre autres langues, sans compter maintenant l’anglais : le lingala, le munukutuba, le laari et le bembé. Je comprends par ailleurs plusieurs autres langues de l’Afrique centrale. De ce fait, chacune de mes phrases est le fruit d’une bataille entre les différents idiomes qui m’habitent. In fine, le français que mes livres donnent à lire est une langue refondue, réinventée, colonisée à son tour. C’est cette langue-là qui est ma véritable identité, ma marque de fabrique.
Dans Black Bazar, vous avez introduit tous les sujets qui vous tiennent à cœur : la colonisation, l’émigration, l’amour… Vous vouliez écrire un roman total ?
C’est le récit de la pagaille dans le monde noir de Paris. À travers mes personnages, qui sont souvent la transcription fidèle des êtres de chair et de sang que j’ai côtoyés, j’ai essayé d’explorer les grands problèmes qui obsèdent la communauté noire – dictature, guerres civiles, corruption… –, mais racontés sur le mode de la dérision. Le rire me semble plus efficace que le tragique.
Vous écrivez depuis bientôt quinze ans, mais c’est avec votre quatrième roman, Verre Cassé, publié en 2005, que le grand public vous a vraiment découvert.
C’est plutôt paradoxal. Verre Cassé est mon livre le plus difficile à lire parce qu’il a une forme éclatée. La ponctuation s’y résume à des virgules, les références littéraires fourmillent… Ces difficultés avaient d’ailleurs fait craindre le pire à mon éditeur. À ma plus grande surprise, le bouche à oreille aidant, le lectorat est venu. Finalement, le livre s’est vendu à 80 000 exemplaires !
Quel est le secret de ce succès ?
Dans mes premiers romans, je pratiquais une écriture quasi scolaire : sujet, verbe, complément. Il m’a fallu plusieurs livres pour me rendre compte qu’on devient écrivain à partir du moment où l’on s’émancipe des règles de la langue. Une fois que j’ai compris cela, je me suis dit qu’il fallait que j’écrive dans la langue de mes personnages. C’est ce que je crois avoir réussi à faire dans Verre Cassé.
Dans Black Bazar, on pourrait dire que le monde commence dès le titre : « Black » est anglais et « bazar » est un mot d’origine persane. Un titre programmatique ?
Un titre programmatique qui annonce le Babel qu’on trouve dans le roman. Prisonniers de leur microcosme, en l’occurrence les ghettos africains de Paris, mes personnages réussissent à s’en échapper par leur imaginaire, peuplé de Luis Sepúlveda, de Saint-Exupéry, d’Ernest Hemingway et de Gabriel García Márquez. Les bars où se déroulent mes derniers romans n’ont d’intérêt que parce que les bruits et les chants du monde peuvent s’y infiltrer.
Le thème du roman est toutefois très africain. Il raconte les heurs et malheurs des Africains à Paris. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le vécu de cette diaspora ?
Dans mon tout premier roman, Bleu-Blanc-Rouge, j’avais déjà creusé cette thématique de la diaspora africaine de Paris au tournant des années 1990. Le roman racontait la tragédie de l’immigration, mais aussi le conflit identitaire d’un émigré africain qui va retourner chez lui. Je reviens une décennie plus tard à la même thématique, mais vue sous un autre angle. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce sont les rêves, les souffrances, les déchirements des exilés africains qui savent que leur destin est en France. Ils l’aiment et la détestent à la fois.
Comme vous venez de le rappeler, le thème de l’émigration est au cœur de votre fiction. Alors que le ministre français de l’Immigration et de l’Identité nationale Brice Hortefeux vient de quitter ses fonctions, que pensez-vous de son bilan ?
On garde l’image d’une chasse aux sorcières plus que d’une pédagogie de l’immigration courtoise. Ce ministère a redéfini la conception même de l’immigré, qui, après avoir été appelé pour redoper la France, est devenu un délinquant. L’immigré est désormais comme un grain de sable qui vient dérégler la belle mécanique de la société française.
La population française est-elle capable de mieux comprendre et accepter le phénomène de l’immigration ?
Je pense qu’il y a eu une erreur de casting. Le nouveau pouvoir a cru que la politique d’immigration lui permettrait de garder un certain capital de confiance dans la population française. C’était oublier que cette population, qui voyage et dispose de nombreux moyens de communication, est de plus en plus ouverte. On n’est plus il y a cinquante ans où l’on voyait l’Afrique dans une espèce de cœur des ténèbres, pour reprendre le titre du livre de Joseph Conrad. De toute façon, on ne peut pas éradiquer l’immigration du jour au lendemain alors qu’on en a fortement besoin. Du coup, la méthode qui consiste à fixer un nombre d’immigrés à expulser fait trop penser au travail du commercial dans une entreprise qui a des objectifs chiffrés à atteindre.
Comment jugez-vous l’évolution des rapports entre la France et l’Afrique ?
On pensait que Nicolas Sarkozy pouvait modifier cette relation. On se rend compte qu’il ne connaît pas l’Afrique. Quand il tient un discours comme celui de Dakar, en expliquant que les Africains ne sont pas entrés dans l’Histoire, cela dénote une méconnaissance totale de tous les travaux scientifiques, bien avant ceux de Cheikh Anta Diop. Au moment même où nous pensons que le monde forme une longue chaîne, on vient expliquer par une opération du Saint-Esprit que les civilisations ont des hiérarchies. Dans quelle histoire l’Afrique doit-elle entrer ? L’histoire de France ?
En 1995, vous aviez appelé à voter pour Édouard Balladur. Vous sentez-vous toujours proche de la droite française ?
À l’époque, j’étais étudiant à Paris-Dauphine et j’appartenais aux jeunes du RPR. Je pensais, comme l’avait dit Giscard, que la gauche n’avait pas le monopole du cœur. Je me suis rendu compte que plus la droite avançait, moins elle appliquait le respect des droits de l’homme. Ce qui a fait que je suis passé de la droite vers la gauche, en hésitant vers le centre. Ce qui ne m’empêche pas de rester critique à l’égard de cette gauche. C’est quand même l’un des siens, Michel Rocard, qui a dit que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde.
Sur le plan des relations franco-africaines, qu’est-ce qui a changé ?
Jadis, c’était une sorte d’assistanat. L’Afrique était le pré carré de la France. Puis on s’est rendu compte que le pré carré était maintenu par le fait que les dirigeants français avaient toujours des liens étroits avec les présidents africains, qu’ils avaient mis eux-mêmes en place afin de continuer la politique qui leur rendait service. C’était des renvois d’ascenseur.
Les relations se désagrègent parce que des voix de la jeunesse africaine s’élèvent contre cette connivence. On n’accepte plus une Afrique gouvernée depuis le Quai d’Orsay.
En Guinée, les militaires ont pris le pouvoir. Qu’en pensez-vous ?
La Guinée sort d’une situation historique complexe. Elle a longtemps vécu sous la dictature sanglante de Sékou Touré. Puis Lansana Conté s’est incrusté au pouvoir en massacrant les droits de l’homme. On peut dire deux choses de la situation actuelle. On peut dire que la prise du pouvoir par le capitaine Moussa Dadis Camara est antidémocratique. On peut estimer aussi que cela peut être une période de transition nécessaire. À condition qu’elle ne serve pas aux militaires à s’installer ad vitam aeternam. Il faut donner à la junte la chance de mener les choses jusqu’à la prochaine élection démocratique.
Peut-on faire confiance à des militaires ?
Ce n’est pas parce que quelqu’un est militaire qu’il doit être présumé de mauvaise foi. Il y a des militaires de bonne foi. C’était le cas du général de Gaulle, de Thomas Sankara, d’Amadou Toumani Touré.
Pour revenir à la Guinée, Dadis Camara peut se flatter d’avoir pris le pouvoir sans effusion de sang, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais maintenant, il faut être vigilant à l’égard de ce nouveau pouvoir.
Autre question dans l’actualité, la situation dans l’est de la RD Congo. On parle de 4 millions de morts depuis 1996. Et cela dans un silence assourdissant. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
On est tristement habitué à l’absence de réaction de la communauté internationale. On l’a vu au moment du génocide au Rwanda. Celui-ci était programmé depuis fort longtemps. On a passé son temps à savoir si les massacres devaient rentrer dans la définition du génocide. Pendant que l’on discutait terminologie, les Rwandais mouraient les uns après les autres.
Pour ce qui se passe actuellement en RD Congo, on peut toujours pointer l’Occident du doigt, mais nous sommes responsables aussi de nos propres malheurs. Nous sommes incapables de nous asseoir pour discuter d’un problème et écouter le frère qui est à côté. Nous cherchons toujours l’arbitre occidental qui viendrait donner la solution.
L’Occident n’est pas blanc, si je peux me permettre ce jeu de mots, mais je suis de ceux qui regardent d’abord les fautes de l’Afrique.
À une époque, on parlait de devoir d’ingérence. Peut-on rester inactif quand les morts se comptent par dizaines de milliers ?
Le problème, c’est que le devoir d’ingérence appliqué par les Occidentaux est considéré comme une deuxième colonisation. Le devoir d’ingérence serait crédible s’il venait d’une institution africaine et procédait d’une volonté africaine.
L’Union africaine ?
L’Union africaine, pour moi, est une coquille vide. J’en parle dans mon livre. Elle n’est qu’une chambre d’écho qui attend le verdict de l’Occident.
Face à ces tragédies, le silence des intellectuels africains n’est-il pas choquant ?
Les intellectuels veulent s’exprimer et ils le font. Mais, pour être entendu, il faut avoir accès aux moyens de communication les plus puissants. Or ceux-ci sont contrôlés par des États qui ont un droit de regard sur ce qui se passe en Afrique. Vous n’allez pas, par exemple, accuser la France de complicité dans le génocide rwandais et passer tranquillement sur une télévision française qui, peut-être, soutient le gouvernement.
Les intellectuels s’expriment en ordre dispersé… On ne les entend pas. C’est particulièrement vrai dans le cas de la RD Congo, le conflit qui a fait le plus de morts depuis la Seconde Guerre mondiale.
Il y a un déficit dans la mobilisation, c’est vrai. Mais elle s’explique. Quand les Bernard-Henri Lévy, les André Glucksmann, les Michel Onfray se mobilisent, ils sont tous concentrés dans un même pays. Les intellectuels africains, eux, sont disséminés dans le monde entier. Leur demander de se réunir dans l’indignation, c’est en quelque sorte demander à cinq continents de venir s’embrasser au même moment.
Une autre donnée doit être prise en considération. Pour beaucoup d’Africains, si un intellectuel intervient, il a un mobile derrière la tête. Soit il veut être président, soit il veut entrer au gouvernement. Il y a une suspicion générale autour de l’intellectuel. Des gens comme Achille Mbembe ou Célestin Monga ne se privent pas de critiquer les pouvoirs en place. Mais un certain nombre de leurs confrères soutiennent ces pouvoirs, y compris les dictatures, et travaillent avec eux.
Vous reproche-t-on, à vous, de ne pas suffisamment vous exprimer sur les grandes questions politiques qui touchent le continent ?
S’il suffisait de parler, tous les problèmes de l’Afrique auraient été résolus depuis longtemps. Un écrivain n’est pas le sapeur-pompier des sociétés africaines. C’est quelqu’un qui a un univers et qui refuse la réalité telle qu’elle est pour inventer un monde dans lequel il estime que son action pourrait se dérouler.
Cela ne veut pas dire que je ne m’investis pas dans les débats de la société africaine. Je le fais par exemple en traitant de la question des Noirs en France. Ceux-là aussi sont des Africains qui souffrent.
Sur le Congo-Brazzaville, votre pays, vous arrive-t-il de prendre des positions politiques ?
Je connais très bien le Congo-Brazzaville. C’est un petit pays d’à peine 3 millions d’habitants, avec 3 millions de points de vue politiques… Sans compter les divisions ethniques, les divisions Nord-Sud, Est-Ouest-Centre. Cela ne facilite pas les choses.
Chez moi, au Congo, lorsque vous prenez la parole pour parler de politique, vous êtes considéré automatiquement comme un opposant. Et si vous vous taisez, vous êtes considéré comme partisan du gouvernement. Ce que je souhaite, c’est rester au-dessus de la mêlée. Si j’ai à dire quelque chose, j’écris une lettre au président Sassou Nguesso : voilà ce qui s’est passé, je souhaite des explications. Avec l’opposition, c’est la même chose.
Des chefs d’État africains sont mis en accusation en France par des associations dans ce qu’on appelle l’affaire des biens mal acquis. La défense des chefs d’État concernés est-elle crédible ?
C’est un secret de Polichinelle. On ne peut pas rester vingt ou trente ans au pouvoir sans abuser des biens de l’État. Cela pose la question de la gestion des États africains. Je pense que ce procès des biens mal acquis est nécessaire pour tirer la sonnette d’alarme.
Le fait que cela se passe en France ne vous gêne pas ?
Cela ne peut pas se passer en Afrique. Les dictateurs feront tout pour empêcher une telle procédure. Il faut, quoi qu’il en soit, traquer les biens mal acquis et les rendre au peuple.
Dans le même ordre d’idées, la Cour pénale internationale juge Jean-Pierre Bemba, elle a condamné Charles Taylor, le président soudanais Béchir est menacé de poursuites. N’a-t-on pas le sentiment que la justice internationale s’acharne sur les Africains ?
Il était temps que, petit à petit, on commence à faire le ménage. Après l’Amérique latine, nous sommes en bonne place dans le palmarès des dictatures. Depuis les indépendances, on a gouverné de manière abusive l’Afrique, on l’a spoliée, on a commis des massacres en suscitant des guerres ethniques, et on continue de tirer des obus sur les populations. Il est évident que les dirigeants qui sont des criminels doivent passer devant des tribunaux.
Ne serait-il pas préférable qu’ils soient jugés en Afrique, sur les lieux de leurs forfaits ?
La justice, dans la mesure où elle poursuit un idéal, n’a pas de lieu. Lorsque quelqu’un commet un génocide, je suis favorable à ce qu’on le juge partout où la justice peut faire son travail.
La présence grandissante de la Chine sur le continent est-elle une bonne chose pour l’Afrique ?
Je suis sidéré de voir la campagne qui se développe en Europe sur le thème de l’invasion chinoise. L’Afrique n’est pas la chasse gardée du monde occidental. Les Chinois y viennent pour tirer profit des richesses, mais en laissant au moins des infrastructures. S’ils construisent quatorze nouvelles routes au Congo, je dis : allons-y, puisque les autres ne l’ont pas fait au cours des cinquante ans passés.
Vous vivez aux États-Unis depuis 2001. Vous avez certainement suivi de près l’élection de Barack Obama ?
Oui, et j’ai été enthousiasmé par le destin de cet homme. Pour moi, il s’agit d’abord d’un parcours individuel qui donne au passage aux Noirs la preuve que tout est possible. À condition de comprendre qu’il est temps de dépasser la négritude pour s’imposer par la seule force de ses compétences et de ses convictions. C’est ce qu’on appelle sans doute la société postraciale. Je ne désespère pas de voir émerger dans les prochaines années un Obama français.
En quoi cette expérience américaine vous a-t-elle changé ?
J’ai quitté l’Afrique à l’âge de 20 ans. Puis j’ai vécu en France pendant quinze ans. Actuellement, j’habite aux États-Unis. Je crois pouvoir affirmer que c’est mon séjour américain qui m’a conduit à m’intéresser de près à la question du Noir dans le monde. C’est une question prépondérante aux États-Unis, mais taboue en France, où le Noir est un « homme invisible », pour citer Ralph Ellison.
Ce sont les États-Unis qui vous ont ouvert les yeux sur la réalité de la condition noire en France ?
À partir du moment où j’ai pu voir comment la question noire était traitée aux États-Unis, l’injustice faite aux Noirs en Europe m’a paru encore plus flagrante. C’est d’ailleurs en quelque sorte le sujet de Black Bazar. C’est aussi le thème de mon prochain livre, qui sera un essai. Je voudrais le situer dans le prolongement du débat suscité en France par le livre de Pap Ndiaye, La Condition noire. J’aimerais mettre en perspective les conclusions de Ndiaye en les confrontant à l’expérience noire en Amérique.
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