Verdict, mensonges et vidéo

Publié le 9 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Dans la soirée du 5 février, la cour d’assises spéciale de Paris a condamné l’Allemand Christian Ganczarski (45 ans) et le Tunisien Walid Naouar (28 ans) à, respectivement, dix-huit ans et douze ans de réclusion. Pour complicité d’assassinat. Les deux hommes comparaissaient pour leur implication dans les préparatifs de l’attentat contre la synagogue de Djerba, en Tunisie, le 11 avril 2002.

Perpétrée par Nizar Naouar, le frère aîné de Walid, et revendiquée par Al-Qaïda, l’attaque-suicide avait fait 21 morts, dont 14 touristes allemands. La présence de deux Français parmi les victimes et le fait que Walid Naouar était installé depuis deux ans dans l’Hexagone ont rendu possible la tenue du procès à Paris.

la suite après cette publicité

Les peines, prononcées après sept heures de délibéré, peuvent sembler lourdes ; et elles le sont. Certains y voient pourtant un compromis, les condamnations, qui couvrent la détention préventive, exceptionnellement longue (six ans pour Naouar, cinq ans et demi pour Ganczarski), étant bien inférieures aux réquisitions de l’avocat général, qui avait réclamé trente ans, dont vingt incompressibles, à l’encontre de l’Allemand converti à l’islam, et quinze ans, assortis d’une peine de sûreté de dix ans, à l’encontre du Tunisien. C’est que le procès n’a pas fait toute la lumière sur le rôle exact joué par les condamnés.

Ganczarski, qui a fait de multiples séjours en Afghanistan entre 1999 et 2001 et était présenté par l’accusation comme un cadre d’Al-Qaïda, avait croisé la route de Nizar Naouar lors de ses voyages. C’est la dernière personne à lui avoir parlé. Le kamikaze l’avait appelé, à Francfort, quelques heures avant de se faire exploser. Pour solliciter « sa bénédiction ». Mais le sens de cette bénédiction continue de faire débat. Simple « réconfort spirituel » ou feu vert opérationnel ?

Rien n’a permis d’établir matériellement que l’Allemand était au courant de ce que tramait son ami tunisien. Mais les présomptions l’ont emporté. Une vidéo datant de janvier 2000 (et transmise en 2006 par les services américains à la justice française) montre par exemple Ganczarski partageant un repas d’Aïd avec Oussama Ben Laden et l’Égyptien Mohamed Atta, chef du commando du 11 septembre 2001. Elle a certainement pesé lourd dans la balance. Ganczarski pourrait décider de faire appel.

Les charges pesant contre Walid Naouar sont d’une autre nature, mais reposent elles aussi sur un faisceau de présomptions. Garçon sans histoire et sans antécédents judiciaires, le jeune Tunisien n’appartenait pas à la mouvance djihadiste. Il s’est borné à « rendre service » à son frère en lui procurant un téléphone satellitaire Thuraya, indétectable, ainsi que des faux papiers. En toute bonne foi, a-t-il plaidé.

la suite après cette publicité

Problème : c’est ce Thuraya qui a permis à Nizar de contacter Khaled Cheikh Mohammed, le commanditaire de l’attentat (et numéro trois d’Al-Qaïda). Lors de sa garde à vue, en 2002, Walid avait avoué, avant de se rétracter pendant l’instruction, qu’il « se doutait » que son frère préparait un attentat.

Le jeune homme, qui clame son innocence et a déjà passé plus de six ans derrière les barreaux, est face à un dilemme. Selon Me Tarek Abahri, son avocat, il envisagerait de faire appel. Mais la sanction qui lui a été infligée n’est assortie ni d’une peine de sûreté ni d’une interdiction de séjourner sur le territoire français. Ce qui lui laisse la possibilité d’obtenir rapidement une libération conditionnelle. Il prendra sa décision dans les tout prochains jours.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires