Etienne Rachou : « Air France-KLM n’a pas de monopole en Afrique »
Directeur général Afrique Moyen-Orient d’Air France-KLM depuis quinze mois, il doit préserver les parts de marché de la compagnie dans un ciel africain de plus en plus ouvert.
JEUNEAFRIQUE : Votre groupe vient d’acquérir 25 % du capital d’Alitalia. Cela modifiera-t-il votre présence en Afrique ?
Étienne Rachou : Alitalia est présente en Afrique, notamment en Égypte et en Libye. Malgré ses difficultés, elle demeure une compagnie significative en Afrique de l’Ouest, au Maghreb et au Moyen-Orient. Quant à trouver des complémentarités, c’est un chantier à ouvrir. Le coordinateur qu’Air France-KLM va envoyer à Rome a été désigné le 19 janvier. Il sera chargé de mettre en place des groupes de travail pour trouver des synergies.
Où en est la fusion Air France-KLM en ce qui concerne ses implications pour l’Afrique ?
Nous avons procédé mi-2008 à la fusion des entités géographiques pour l’international. J’ai donc en charge le chiffre d’affaires, les équipes et les escales KLM. Sur les 49 destinations que nous avons sur l’Afrique (hors Maghreb, NDLR) et le Moyen-Orient, nous n’en avons que quatre en commun : Lagos, Johannesburg, Le Caire et Dubaï.
Quel bilan tirez-vous de 2008 et comment se présente 2009 ?
Il est satisfaisant. La capacité de nos sièges offerts à la vente a augmenté de 5 %, et nous enregistrons 5 % d’augmentation de trafic. Nous avons rempli notre contrat. Notre croissance est régulière sur l’Afrique. Pour le prochain exercice, qui commencera le 1er avril 2009, nous n’avons pas figé notre rythme de croissance. Nous communiquerons des chiffres début mars.
Certains de vos concurrents paraissent bien plus actifs…
Notre croissance, c’est vrai, est moins grande que celle du trafic. Dans la plupart des capitales sahéliennes, par exemple, Royal Air Maroc [RAM] fait mieux que nous depuis plusieurs années.
Le monopole d’Air France sur l’Afrique serait donc une idée fausse ?
C’est une caricature à laquelle il faut tordre le cou. Air France-KLM demeure un acteur important en Afrique, mais qui n’est pas du tout en situation dominante. En général, outre la concurrence que je viens d’évoquer, nous sommes dans les grands pays d’Afrique de l’Ouest ou centrale en deuxième position, derrière des transporteurs locaux ou des compagnies comme Ethiopian Airlines ou la RAM.
La concurrence est donc plus vive aujourd’hui ?
L’ouverture de l’Afrique à la concurrence s’est accélérée. Et toutes les grandes compagnies ont compris que c’était un relais de croissance. La concurrence traditionnelle sur les axes nord-sud a changé de physionomie avec l’installation par les compagnies d’Afrique du Nord de plates-formes de correspondance, à Casablanca, Tripoli ou Tunis. À quoi s’ajoute la concurrence venue de l’est, des pays du Golfe, qui se développe sur tout le continent. Et désormais l’Afrique est prise en tenailles avec une nouvelle concurrence qui arrive de l’ouest, avec les compagnies américaines.
Quels sont vos projets en 2009 ?
Cet hiver, nous avons poussé les feux au Congo, avec un troisième vol sur Pointe-Noire et une quatrième desserte sur Brazzaville, partagée avec Kinshasa, fortement sollicitée par les autorités congolaises. Nous avons aussi lancé une quatrième desserte sur Niamey-Ouaga. Et dans les semaines qui viennent, nous augmenterons significativement la capacité de notre vol quotidien sur Lagos, avec un Boeing 777.
Pouvez-vous résister aux sollicitations des États ?
La croissance d’Air France en Afrique est un compromis entre ce que les États nous demandent, qui est toujours le point de départ, et ce que nous pouvons faire. Nous ne pouvons répondre à tout. Il faut que la demande existe. L’Afrique et le Moyen-Orient représentent 14 % de notre trafic passagers. Or l’un de nos atouts est l’équilibre de notre réseau entre tous les continents. Au Congo, depuis trois ans, il y avait davantage de clients que de places. Après de longues discussions, nous avons trouvé un compromis avec le ministre des Transports [Rires…]. Mais si nous l’écoutions, nous irions tous les jours à Brazzaville en Boeing 777 ! Nous avons plus que triplé la capacité sur le Congo en six mois, maintenant il faut la digérer. Au Cameroun, les autorités nous demandent de desservir Yaoundé en vol direct depuis une dizaine d’années mais, jusqu’à présent, le marché n’était pas suffisamment développé.
Que pensez-vous des projets de compagnies régionales comme Air Cemac et Asky ?
Dans la conjoncture actuelle, les conditions de création d’une compagnie aérienne sont forcément compliquées. C’est une activité très gourmande en capitaux et très exigeante en contraintes réglementaires.
On parle d’Air France-KLM comme partenaire d’Asky ?
En matière de participation, le groupe est centré sur son marché naturel : le marché unique européen. Notre stratégie n’est pas de prendre des participations dans des compagnies africaines. En revanche, nous sommes à l’écoute des demandes d’assistance, de coopération technique et de transfert de savoir-faire. Nous avons par exemple un projet en cours avec la compagnie de Guinée équatoriale. Et des contacts avec Air Botswana, Ghana Airways ou encore Camairco, la nouvelle compagnie camerounaise.
Y a-t-il une malédiction en Afrique de l’Ouest et centrale à ne pas réussir à bâtir une compagnie performante ?
Presque dix ans après les projets d’Air Afrique, il y a toujours un vide, même s’il est partiellement comblé par Air Burkina, Gabon Airlines, Air Sénégal International, la Compagnie aérienne du Mali, Air Ivoire… Mais il est toujours très mal commode de circuler d’une capitale à l’autre. Kenya Airways, Royal Air Maroc, South African Airways ou Ethiopian essaient d’apporter des réponses, mais il reste un réel besoin d’outils forts en matière de desserte régionale. Mais cette région de l’Afrique est la plus morcelée. Comment voulez-vous qu’un pays deâ¨3 millions d’habitants puisse se doter d’une compagnie internationale viable ?
Quel impact ont les expulsions en termes d’image et de coûts ?
Le président d’Air France-KLM s’est déjà exprimé sur le sujet. En tant que citoyens, nous pouvons avoir un avis et comprendre l’émoi des passagers qui se solidarisent des expulsés, mais nous sommes aussi dans un État de droit et, en tant qu’entreprise, nous respectons le droit lorsque nous sommes réquisitionnés. Il appartient au législateur de modifier la loi s’il le souhaite.
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