Jérôme Efong Nzolo

Élu à deux reprises meilleur arbitre du championnat belge de football, ce Gabonais est aussi le seul Noir à diriger des matchs de la prestigieuse Ligue des champions.

Publié le 3 février 2009 Lecture : 5 minutes.

Ce 20 mai 2007, le football belge récompense les meilleurs acteurs de son championnat de première division, qui vient de s’achever. Parmi les nominés pour le titre de meilleur arbitre figurent deux pointures internationales : Franck De Bleeckere, qui a dirigé le quart de finale du Mondial 2006 entre l’Ukraine et l’Italie, et Paul Allaerts, un habitué des matchs de la Ligue des champions. Le troisième est un débutant nommé Jérôme Efong Nzolo (33 ans).

Né au Gabon, il vient tout juste d’achever sa première saison au sein de l’élite. Sa nomination est donc une surprise. Sa victoire l’est bien davantage. En quelques secondes, il devient l’arbitre le plus compétent du pays. La chance du débutant ? Pas vraiment. Un an plus tard, en mai 2008, il récidive. Une performance d’autant plus remarquable que sa distinction lui est décernée par les joueurs qu’il est chargé de sanctionner tout au long de l’année… Bref, Jérôme est l’étoile montante de l’arbitrage belge.

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Arrivé à Charleroi en 1995 pour suivre des études d’électromécanique, il arbitre des matchs de football amateur. Pour le plaisir et pour « ne pas perdre la main » avant de rentrer au pays. Mais très vite ses prestations sont remarquées. Lors d’une assemblée des arbitres de jeunes de la région du Hainaut, où il se présente en costume-cravate au milieu d’une nuée de types en survêtement, Jérôme tape dans l’œil de David Delferière, actuel vice-président de l’Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA), qui était à l’époque responsable du corps arbitral de la région.

Celui-ci demande à ses collaborateurs de suivre de près le nouveau venu. Les rapports élogieux se succèdent, l’intéressé gravit quatre à quatre les échelons de la hiérarchie. Onze ans plus tard, le 28 janvier 2006, il fait son entrée dans la cour des grands et devient le premier arbitre noir à diriger un match de première division belge. Il s’en souvient comme si c’était hier : le FC Brussels affrontait Lokeren…

UNE ASCENSION AUSSI FULGURANTE étonne beaucoup de monde. Mais pas les amateurs de foot gabonais, qui connaissent Jérôme Efong Nzolo depuis longtemps. À 21 ans, il était déjà considéré comme l’un des meilleurs hommes en noir de son pays.

Sa carrière d’arbitre débute en 1986. À cause d’un accident. Il a 12 ans. Hélas, une grave blessure lui fige les chevilles dans le plâtre et l’éloigne du collège pendant deux mois. Son père apprécie modérément et lui met le marché en main : l’école ou le ballon rond, mais pas les deux en même temps. Le jeune Nzolo croit être définitivement perdu pour le foot.

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Deux ans plus tard, un ancien arbitre international, Pierre-Alain Mounguengui, qui préside aujourd’hui la Ligue gabonaise de football, l’invite à s’essayer au sifflet. Le test est concluant. Jérôme s’amuse sur le terrain et fait preuve d’une probité irréprochable. L’arbitrage devient sa nouvelle vocation.

Dès le départ, l’adolescent se montre intraitable sur le terrain. À 14 ans, lors d’un match de cadets à Libreville, un attaquant se fait sévèrement tacler par un défenseur. Le jeune arbitre sort logiquement un carton jaune. Mais la victime se relève et frappe son agresseur. La sanction est immédiate : carton rouge. L’expulsé est le propre frère de Jérôme Efong Nzolo !

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Celui-ci n’a pourtant pas la réputation d’être une terreur des terrains. Rien à voir, par exemple, avec un Pierluigi Collina, le célèbre arbitre italien dont les yeux exorbités et le crâne chauve inspiraient la crainte même aux joueurs les plus vindicatifs.

Décontracté dans son survêtement rouge de l’URBSFA, il expose sa façon de procéder : « En tant que chrétien pratiquant, j’incline à donner une deuxième chance à un joueur fautif. Je parle beaucoup, donne généralement un avertissement verbal avant de sanctionner et explique toujours mes décisions. Il me reste onze ans d’arbitrage au plus haut niveau. Si je commence à mettre des barrières entre les joueurs, les journalistes, les dirigeants et moi, je vais vite me retrouver seul dans mon coin ! »

Cette approche très humaine de sa fonction, Jérôme l’a sans doute acquise, au moins en partie, grâce à son expérience d’éducateur social. En 2003, il a en effet entrepris, parallèlement à son job d’électromécanicien, des études d’éducateur spécialisé qui l’ont conduit à travailler dans un « centre de traitement social de crise » (la Sonatine), à Bruxelles. Des jeunes y débarquent avec toutes sortes de problèmes : banditisme, consommation de drogues dures, violence, etc.

« Au niveau psychologique, j’ai fait d’une pierre deux coups. Quand vous savez gérer ces jeunes, vous savez forcément comment réagir aux petites crises qui surviennent sur un terrain de football », explique-t-il. Comme l’animateur, l’arbitre doit s’efforcer de rester au-dessus de la mêlée : « Quand des jeunes arrivaient à la Sonatine, ils avaient tous un parcours et des problèmes différents. Sur un terrain, c’est la même chose : certains joueurs sont titulaires, d’autres sont sur le banc. L’un s’est disputé avec sa compagne, l’autre a peut-être un enfant à l’hôpital… Comme à l’éducateur, il revient à l’arbitre de veiller à l’équilibre, au respect des règles établies. »

Les joueurs ne sont pas les seuls à apprécier Jérôme Efong Nzolo. Quand il pénètre dans un stade, son nom est régulièrement scandé par les supporteurs. Sa popularité dépasse d’ailleurs largement le cadre sportif. En 2007, le quotidien flamand Het Laast Nieuws, le plus lu en Belgique, l’a placé en trente-sixième position dans son palmarès des personnalités de l’année. Il était naturellement le seul arbitre à y figurer.

CETTE ENVIE DE NE DEPLAIRE A PERSONNE pourrait, à terme, se retourner contre lui. « Maintenant qu’il arbitre des matchs importants, tacle David Delferière, on risque de moins lui pardonner de distribuer des sourires plutôt que des cartons. »

Reste que le style Nzolo ne se réduit pas à une écoute attentive de chacun. Il visionne aussi tous ses matchs en DVD et étudie l’organisation des équipes qu’il va diriger. « Il faut absolument connaître leurs systèmes de jeu pour pouvoir anticiper les déplacements », décrypte l’intéressé. Il est en effet important de savoir s’économiser sur un terrain. Au cours d’un match, un arbitre parcourt, en courant, 15 km en moyenne, contre 11 km pour un joueur.

Aujourd’hui, Jérôme Efong Nzolo frappe aux portes de l’Europe. En juillet 2008, il a fait ses grands débuts en Ligue des champions. C’était à Chypre, lors du tour préliminaire entre le club arménien de Pyunik Erevan et celui de Famagouste. Il était déjà le seul arbitre noir de l’élite du football belge. Il l’est désormais au niveau européen. En toute décontraction.

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