Une « liste noire » peut en cacher une autre

Les États-Unis, l’Union européenne et l’ONU s’efforcent, en ordre dispersé, de répertorier individus et organisations soupçonnés de liens avec le terrorisme, islamiste en premier lieu.

Publié le 5 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Uun camouflet pour la France et une victoire pour Maryam et Massoud Radjavi. Principal groupe armé engagé dans une lutte à mort avec le régime iranien, l’Organisation des moudjahidine du peuple (OMPI) a été, le 26 janvier, retirée par la présidence tchèque de la « liste noire » des organisations terroristes dressée par l’Union européenne. Elle y avait été inscrite en 2002. Par trois fois, la justice européenne avait ordonné qu’elle en soit radiée.

En 2003, le fonctionnement « sectaire » de ce groupe avait conduit la justice française à mettre en examen dix-sept de ses membres, dont Maryam Radjavi, présidente de sa branche politique, qui réside dans la banlieue parisienne, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». L’OMPI avait dénoncé ce « geste d’apaisement » à l’adresse de Téhéran. Cette fois, la décision de l’UE risque d’être perçue comme une provocation par les dirigeants iraniens.

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Au-delà du cas des Moudjahidine du peuple, ce retrait « forcé » pose la question de la cohérence et de la lisibilité des stratégies antiterroristes des pays occidentaux. Trois* listes d’individus et d’organisations soupçonnés d’entretenir des liens avec le terrorisme coexistent en effet, dans un joyeux désordre. La plus ancienne – et la plus redoutée – est celle du département d’État américain. Sa création remonte aux années Reagan, quand le « terrorisme international » était essentiellement représenté par des formations d’extrême gauche révolutionnaire, Brigades rouges italiennes, Fraction armée rouge allemande ou mouvements progressistes palestiniens.

OBSESSIONS AMÉRICAINES

Fréquemment mise à jour, sa composition reflète fidèlement les préoccupations, voire les obsessions, de la diplomatie américaine. Au 31 décembre 2008, elle regroupait quarante-quatre organisations, pour la plupart d’obédience islamiste. On y retrouve, bien sûr, Al-Qaïda et ses différentes ramifications régionales : Al-Qaïda en Irak et au Maghreb islamique, Djihad islamique égyptien et mouvements fondamentalistes pakistanais comme le Lashkar-e-Taiba, responsables du carnage de Bombay.

À côté de ces formations authentiquement djihadistes, d’autres ont un statut plus ambigu, qu’il s’agisse de mouvements politico-religieux comme la milice somalienne des Shabaab et le Hezbollah libanais, ou des différentes composantes de la résistance palestinienne. Ces dernières sont au nombre de cinq dans la liste noire américaine : Hamas, Djihad islamique, Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Front de libération de la Palestine (FLP). Et même sept, si l’on ajoute les dissidents de l’Organisation d’Abou Nidal et le FPLP-CG d’Ahmed Jibril.

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Après le 11 Septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a emboîté le pas aux États-Unis en instituant, dès le mois suivant et sur la base de la résolution 1267, un « comité 1267 » chargé de dresser une nouvelle liste. Celle-ci compte actuellement près de 500 entrées réparties en trois catégories : les personnes ayant des liens avec les talibans afghans (142 noms), avec Al-Qaïda (253) et avec les groupes et entités entretenant des relations (notamment financières) avec la nébuleuse d’Oussama Ben Laden (112).

La présence sur cette liste se traduit, entre autres, par le gel immédiat des avoirs. L’objectif est évidemment de « casser les reins » des supposés bailleurs de fonds du terrorisme. Les agences de transfert de fonds du groupe Al Barakaat sont spécialement visées, même si aucune preuve décisive de leur implication n’a été apportée. Des possibilités de recours légaux existent, mais il est plus facile d’entrer dans la liste onusienne que d’en sortir. À ce jour, seules une douzaine de personnes et 25 organisations y sont parvenues.

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C’est en 2002 que l’UE a créé sa propre liste, révisée tous les six mois. N’y figurent plus désormais que 29 groupes et entités. Selon notre pointage, 18 noms apparaissent à la fois sur la liste américaine et sur la liste européenne, dont ceux des 7 organisations palestiniennes, de la secte Aum japonaise, du Sentier lumineux péruvien et des Farc colombiennes. Mis à l’index par les Américains, les Basques de l’ETA et les dissidents de l’IRA irlandaise ne figurent pas sur la liste européenne. Allez comprendre !

*Quatre si l’on compte celle du Home Office britannique.

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